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Quelle est l'utilité et la finalité des activités menées ?
Quel est le problème ?
Dans un environnement contraint par la limitation des ressources non renouvelables, la nécessité d’économiser l’énergie tout en maintenant les activités industrielles à un niveau soutenable et en conservant la finalité des produits ou services est un critère clé pour déterminer en premier lieu leur légitimité à continuer à exister, et en second lieu, l’utilité de travailler pour les produire.
Ce à quoi il faut faire attention
- L’utilité des produits ou services fait-elle l’objet d’un questionnement au niveau stratégique au regard de l’urgence écologique actuelle ?
- Le cas échéant, ce questionnement sur la finalité des activités de l’entreprise a-t-il abouti à une remise en cause de ses activités ?
- La stratégie et les investissements de l'entreprise sont-ils réorientés en cohérence avec ces réflexions ?
Ce à quoi il faut faire attention
- L’employeur cherche-il à repenser dans leur ensemble la chaîne logistique 💬 et la production ?
Se contente-il d’opérer des mesures de réduction à la marge ou de compensation sans remise en cause profonde ? - L’employeur a-t-il réfléchi aux transformations profondes qu’il doit engager, du fait de son secteur, pour être en phase avec les enjeux climat et biodiversité portés par le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'évolution du Climat) et l’IPBES (Plateforme Intergouvernementale sur la Biodiversité et les Services Écosystémiques) ?
- Ces réflexions ont-elles donné lieu à des mesures de transformation ?
Ce à quoi il faut faire attention
- L’entreprise met-elle en place des campagnes de communication qui poussent à la surconsommation ?
- Incite-t-elle au contraire à une sobriété réfléchie ?
- Quel récit est raconté aux clients potentiels ?
La stratégie de l’employeur n’est généralement pas publique (sauf lorsque la structure est publique). Dans ce cas, l’idée est d’essayer de trouver les informations fournies aux actionnaires. Il arrive que des informations transitent dans les journaux spécialisés “business” pour les entreprises. Le plus efficace reste de trouver une source d’information en interne.
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Quels impacts sur le climat, la biodiversité et les ressources ?
Les activités des entreprises impactent forcément leur environnement : émissions de gaz à effet de serre, érosion de la biodiversité, extraction de ressources non renouvelables, pollution de l’eau et des sols, etc. Dans le cadre d’une stratégie sérieuse vis-à-vis de l’urgence écologique, ces impacts doivent être mesurés, communiqués de façon transparente, et limités autant que possible via un plan de réduction de ces impacts.
Pour commencer, il faut s’interroger sur les impacts sur l’environnement de chaque secteur. La matrice de matérialité du Sustainability Accounting Standards Board (ici) , en donne une bonne estimation. Grâce à ce tableau, il est facile de comprendre quels sont les principaux impacts par secteur (les émissions de gaz à effet de serre, l’impact sur la biodiversité, sur la qualité de l’air, la consommation d’énergie, etc). Cette première analyse est à garder en mémoire pour ensuite porter un regard critique sur la crédibilité des mesures prises par un employeur au regard des grandes problématiques écologiques de son secteur d’activité.
Quel est le problème ?
Les activités humaines entraînent des émissions de gaz à effet de serre 💬. La concentration croissante de ces gaz dans l’atmosphère dérègle le climat, ce qui provoque une hausse de la fréquence des canicules, la montées des eaux, une plus grande intensité des cyclones...(liste non exhaustive).
Ce à quoi il faut faire attention
- L’entreprise publie-t-elle ses émissions de gaz à effet de serre jusqu’au niveau Scope 3 💬. ?
- La trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre de l’entreprise est-elle compatible avec l’objectif de limitation du réchauffement de l’Accord de Paris 💬. à 1,5° ou 2° ?
- Y a-t-il des objectifs de réduction annuelle des émissions de gaz à effet de serre ? Ces objectifs sont-ils en valeur absolue 💬. (et non pas en valeur relative, qui induit forcément un biais) ? La neutralité carbone💬. est-elle visée ? Si oui, à quelle échéance ?
- Dans quelle mesure l’entreprise se base-t-elle sur des mécanismes de compensation 💬.(achat de crédits carbone, plantation d’arbres, développement de technologies de capture du CO2) ? Dans quelle mesure se base-t-elle sur une réduction brute/réelle des émissions ?
Quel est le problème ?
La nature nous fournit notre nourriture, nos médicaments, elle filtre nos eaux, etc… elle nous offre des services irremplaçables dont la valeur est évaluée par l’OCDE à 150% du PIB mondial !
Ce à quoi il faut faire attention
- L’employeur publie-t-il une analyse de l’impact de ses activités sur la biodiversité ? Cette analyse semble-elle complète et pertinente au regard du secteur d’activité ? La préservation de la biodiversité est-elle prise en compte dans les processus opérationnels de l’entreprise ?
- L’employeur cherche-t-il à limiter l’artificialisation des sols 💬. ? L’atteinte de l’objectif de zéro perte nette de biodiversité 💬.est-il envisagé ?
- Pour réduire son impact, l’employeur affiche-t-il un mécanisme d’évitement d’impact sur la biodiversité, puis de réduction de cet impact, avant de parler de compensation ?
Quel est le problème ?
Notre société de consommation s’appuie sur des ressources non renouvelables : pétrole, sable, métaux, etc. Par exemple, sans les terres rares, ces métaux aux propriétés exceptionnelles, adieu smartphones, écrans d’ordinateurs, disques durs et panneaux solaires ! Alors que les ressources s’épuisent, leur consommation ne cesse de croître.
Ce à quoi il faut faire attention
- Les produits commercialisés sont-ils conçus de sorte à limiter leur impact environnemental et dans une optique de maximisation de leur durée de vie ? Sont-ils nécessaires, réutilisables, réparables, recyclables voire compostables ? Existe-il des manuels de réparation sur le site ? L’entreprise prend-elle en charge leur fin de vie ?
- Une analyse de cycle de vie 💬. (ACV) des produits a-t-elle été réalisée ?
- Le modèle économique de l’employeur est-il basé sur la sobriété ? Sur un modèle d’économie circulaire réaliste ?
- La consommation mondiale et les stocks disponibles des matériaux dont dépend l’employeur (cuivre, or, argent, gaz, tungstène, étain,…) sont-ils suivis ? Un calcul de l’empreinte en matériaux et en eau est-il effectué ?
Quel est le problème ?
Les activités humaines entraînent des pollutions de l’air, des sols et de l’eau. Ces pollutions parfois irréversibles ont un impact non seulement sur l’environnement mais également sur notre santé : on ingère l’équivalent d’une carte bancaire de plastique chaque semaine.
Ce à quoi il faut faire attention
- Une analyse des pollutions entraînées sur l’ensemble de la chaîne de valeur des entreprises est-elle effectuée ?
- La stratégie prévue pour limiter ces pollutions semble-elle ambitieuse ? Des mesures sont-elles concrètement mises en œuvre ?
- La trajectoire de réduction de cette pollution compte-elle sur des technologies qui n’existent pas encore et dont le développement n’est pas certain ? En quelle proportion ?
- Le site Science Based Targets évalue les trajectoires de diminution des émissions de gaz à effet de serre
- La méthode ACT sur le site de l’ADEME note les stratégies climat des entreprises
- L’association Halte à l’Obsolescence Programmée enquête sur l’obsolescence et la réparabilité de nombreux produits
- La base de données de l’ADEME compile près de 2000 bilans carbone d’entreprises
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Quelle prise en compte des enjeux écologiques dans le travail des salariés ?
Quel est le problème ?
Les enjeux environnementaux sont complexes. Être sensibilisés est nécessaire mais pas suffisant pour apporter des réponses pertinentes aux problématiques rencontrées ; il est indispensable d’être sérieusement formés ! Afin que des stratégies ambitieuses puissent être déployées, tous les membres d’une structure doivent être sensibilisés puis formés sur des sujets opérationnels, afin que chacun puisse agir au poste qui est le sien dans l’entreprise.
Ce à quoi il faut faire attention
- Des formations existent-elle en interne ? Qui concernent-elles ? Les membres des organes décisionnaires (Conseil d’Administration, Comité exécutif…) ? Les cadres ? L’ensemble des collaborateurs ?
- Quelle est la qualité de cette formation ? Quel est son contenu ? Quelle en est la durée ? Qui sont les formateurs ? Quels moyens sont mis en place pour que la formation débouche sur une réelle mise en pratique ?
Quel est le problème ?
Au sein de l’entreprise, chaque salarié doit être impliqué dans la transition écologique. Malgré cela, nombreux sont les salariés ne trouvant pas d’oreille attentive lorsqu’ils proposent des changements pour limiter les impacts écologiques de la structure dans laquelle ils travaillent. Pourtant, ce sont souvent les mieux placés pour cerner les problématiques, proposer des solutions pertinentes et les mettre en place. Les employeurs ont donc tout intérêt à encourager leurs salariés dans ce sens et à leur accorder une marge de manoeuvre suffisante pour proposer et expérimenter leurs idées.
Ce à quoi il faut faire attention :
- Les missions qui figurent sur les fiches de poste incluent-elles les enjeux environnementaux ?
- Le tableau de bord de l’employeur contient-il des indicateurs environnementaux ?
- L’atteinte d’objectifs environnementaux est-elle un facteur pris en compte dans la rémunération variable des cadres ? Dans quelle proportion ?
- Existe-il des mécanismes pour s’engager en interne (possibilité de constituer des groupes de travail, temps libéré pour mener des projets, budgets…) ?
- Y a-t-il eu des lanceurs d’alerte au sein de la structure ? Si oui, comment ont-ils été considérés ?
Quel est le problème ?
Les départements de développement durable (souvent rattachés aux départements de Responsabilité Sociale de l’Entreprise) ont historiquement peu de pouvoir dans l’entreprise et peu de budget. Souvent, leur mission principale est de répondre à une attente légale de reporting. Avec la prise de conscience croissante autour de l'urgence écologique, ces départements voient aujourd’hui leurs effectifs et leur budget augmenter, mais restent souvent trop à la marge de la stratégie globale de l’entreprise.
Ce à quoi il faut faire attention :
- Quel est son niveau de rattachement hiérarchique (direction générale, direction stratégique, communication…) ?
- Le directeur ou la directrice du département siège-t-il/elle dans les instances décisionnaires (Conseil d’Administration, Comité exécutif) ? L’activité du département semble-t-elle davantage centrée sur des mesures symboliques, de communication, ou sur des actions réellement transformantes qui touchent à l’activité de l’entreprise et à ses principaux enjeux environnementaux ?
- Ces informations sont rarement indiquées dans les documents officiels. On peut chercher à se renseigner auprès du pôle RH ou des personnes rencontrées lors de forums.
- Pour le pilotage de l’entreprise et la marge de manoeuvre des salariés, il va probablement falloir chercher un peu plus. Le plus simple est d’échanger avec des employés pour connaître les leviers dont ils disposent en interne.
- Concernant les lanceurs d’alerte et les éventuels scandales auxquels l’employeur a été lié, il s’agit principalement de rechercher des articles de presse traitant du sujet.
- Le niveau de rattachement hiérarchique du département RSE/DD peut normalement se voir sur l’organigramme de la structure.
- Certaines entreprises ont réintégré les fonctions liées au développement durable dans leurs différentes branches ou départements, ce qui peut être une approche pertinente pour que ces enjeux soient intégrés dans les réalités opérationnelles. Leur département dédié est donc réduit, mais travaille avec des référents à divers niveaux de la structure.
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Quelle intégration des enjeux environnementaux dans la stratégie financière ?
Quel est le problème ?
Le dérèglement climatique engendre une série de conséquences désastreuses pour l’environnement dans lequel évoluent les entreprises. Ainsi, au sein de leur analyse de risques, elles doivent quantifier les risques écologiques au même titre que les risques financiers, et cette analyse doit affecter logiquement sa stratégie globale. En excluant les risques climatiques ou en négligeant leur analyse, l’entreprise adopte la “stratégie de l’autruche”, ce qui lui est préjudiciable à terme…. ainsi qu’à la société.
Ce à quoi il faut faire attention :
- La structure communique-elle son analyse des risques ? Les enjeux écologiques sont-ils inclus dans cette communication ? Les risques présentés semblent-ils cohérents vis-à-vis de l’activité de la structure ?
- L’influence du dérèglement climatique est-elle prise en compte dans ses dimensions physiques (hausse des températures, montée des eaux, variabilité des précipitations, fréquence accrue des phénomènes extrêmes…) ? économiques (impact sur les finances de l’employeur) ? socio-politiques (impacts sur la santé des salariés, déplacements de populations, déstabilisation de certains gouvernements…) ?
- Les conséquences de l’effondrement de la biodiversité sont-elles également prises en compte ?
- Existe-il une stratégie à long terme incluant les enjeux de l’urgence écologique ? A quel horizon (5 ans? 10 ans ? 20 ans) ? Y a-t-il une démarche prospective 💬. ? Les entreprises à fort enjeu (énergie, bâtiment, mobilité, agriculture) mènent-elles des analyses par scénarios (scenario analysis) ?
Quel est le problème ?
Le système économique actuel est soumis à des contraintes de rentabilité financière à court terme absurdes. Ces contraintes entrent en compétition avec la mise en place d’une stratégie de transition écologique ambitieuse et tirent l’entreprise dans une direction opposée. Des instruments de pilotage adaptés sont donc indispensables pour prendre des décisions cohérentes avec l’urgence écologique, et non pas uniquement basées sur la rentabilité à court terme.
Ce à quoi il faut faire attention
- La structure met-elle en place des systèmes de régulation interne ? Par exemple, prend-elle en compte un prix interne du carbone 💬. dans le calcul de rentabilité économique de ses projets ?
- Quelle influence la performance extra-financière 💬. a-t-elle sur la prise de décision ?
- Existe-il une rémunération variable des employés basée sur la performance extra-financière et environnementale ?
- Les bonus encouragent-ils une vision court-termiste dans l’entreprise ? (Par exemple, de nombreux employés du secteur bancaires sont uniquement rémunérés sur leur performance à très court terme)
Quel est le problème ?
Selon certains organismes internationaux, il faudrait utiliser 10% du PIB mondial afin d’assurer une transition écologique. Sans arrêter un tel chiffre, il est indéniable qu’effectuer une transition écologique réussie nécessite un investissement massif. Mais la pertinence de ces investissements est difficile à évaluer, il est donc indispensable de poser un regard critique sur certains effets d’annonce.
Ce à quoi il faut faire attention :
- La structure communique-elle sur la part de ses investissements “verts”, responsables, liés à la transition écologique ? Sur la part de ses projets “verts” ?
- Quelle est la part du budget et des investissements consacrée à l’approche des problèmes environnementaux et à la mise en place de solutions, en comparaison avec d’autres postes de dépenses (ex : la communication, le digital) ?
Quel est le problème ?
De nombreuses entreprises appartiennent à des actionnaires dont les revenus dépendent de la rentabilité à court terme de l’activité. Ainsi, ils peuvent chercher à bloquer des actions en faveur de la transition écologique non-rentables à court terme, car elles limitent leur dividendes.
Ce à quoi il faut faire attention :
- Quels sont les actionnaires majoritaires ?
- Quelle est leur stratégie climat & biodiversité ?
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Quelles relations avec le reste de la société ?
Quel est le problème ?
Nous connaissons tous l'existence de lobbys puissants qui cherchent à influencer l’action politique et législative. Les exemples de lobby freinant la transition écologique sont nombreux : industries fossile, automobile, agroalimentaire, etc. Pourtant ces mêmes entreprises participent à des campagnes de communication massives pour illustrer leur engagement dans cette même transition écologique. Ce discours schizophrène va à l’encontre d’une action concrète face à l’urgence climatique.
Les entreprises n’interagissent pas uniquement avec les pouvoirs publics, elles influencent également d’autres parties prenantes comme les fournisseurs et partenaires commerciaux, et bien sûr les clients et consommateurs. Adopter un discours cohérent auprès de tous ces acteurs permet de diffuser les bonnes pratiques et favorise un changement systémique.
Ce à quoi il faut faire attention :
- Les fournisseurs et partenaires commerciaux sont-ils évalués et choisis sur des critères environnementaux ? Sociaux ?
- Concernant l’influence exercée sur les pouvoirs publics et la réglementation, quels moyens sont consacrés aux relations publiques ? Le travail d’influence exercé par l’employeur se fait-il dans le sens de la transition écologique et sociale ou dans le sens inverse ?
- Concernant l’influence sur les programmes d’enseignement supérieur : dans quels conseils d’administrations d’établissements l’employeur a-t-il des sièges ? A-t-il des liens financiers avec des établissements (financement direct, actionnariat, chaires…) ? Utilise-t-il son influence pour pousser la formation de tous aux enjeux écologiques ?
- Concernant le choix des partenaires, les appels d’offres publiés par l’employeur et regarder les critères requis donne de bonnes indications.
- La carte d’Influence Map donne une bonne idée des dépenses de lobbying des compagnies pétrolières.
- Ce rapport de l’observatoire des multinationales donne une bonne idée des dépenses de lobbying des entreprises du CAC 40. Il suffit de faire Ctrl+F pour trouver l’employeur recherché ! De même avec cet autre rapport d’Attac, plus succinct mais tout aussi instructif.
- Enfin, concernant l’influence sur l’enseignement supérieur, la composition du conseil d’administration d’un établissement est publique.