Résumé

Les budgets carbones déterminés par la Stratégie Nationale Bas-Carbone, qui déterminent les plafonds d’émission à ne pas dépasser, doivent être lissés pour ne pas placer le plus gros de nos efforts dans un futur lointain mais dans notre avenir proche, afin d’éviter les risques de dépassement.

De quoi s’agit-il ?

L’Etat français s’est engagé au travers de l’accord de Paris à réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport au niveau d’émission de 1990. Cette réduction de GES est comptabilisée et répartie dans des budgets carbone. Ces budgets sont des plafonds d’émissions de GES à ne pas dépasser sur une temporalité donnée, fixé par la stratégie nationale bas carbone (par exemple, pour 2019-2023, la limite est de 442 MtCO2/an en moyenne). La pente de réduction fixé entre 2015 et 2030 est de -9.9MtCO2eq/an.

Or, Le 1er budget carbone couvrant la période 2015-2018 a été dépassé de 62 Mt CO2e (+3,5%), et malgré une baisse annuelle de 1,9 % en 2019 et 9% en 2020 (Covid19), les objectifs pour 2022 sont de -3% an. De plus, ces budgets ont été calculés avec un objectif de -40% en 2030, que la commission européenne fixe maintenant à -55%.

Le CESE souligne que l’objectif de neutralité carbone visé par le projet de SNBC révisée n’a de sens que si les moyens sont pris pour accélérer la transition énergétique dès les prochaines années. Ainsi, ces émissions supplémentaires doivent être rattrapés afin que la France atteigne la neutralité climatique. Malheureusement, avec la méthode de réallocation du dépassement des budgets, le taux de réduction des budgets carbones est retardé et nous devrons énormément réduire post-2030, au lieu de répartir cette réduction de façon homogène et uniforme jusqu’en 2050.

Que proposons-nous ?

Nous proposons que la SBNC soit révisée pour lisser les émissions de dépassement des budgets carbones, afin de ne pas être confrontés à une pente de réduction plus raide après 2030.

Ceci est tout d’abord nécessaire pour permettre de véritablement financer les investissements nécessaires à la transition environnementale en France, en particulier en matière de logement, qui a été l’un des secteurs qui a empêché le respect du premier budget carbone. En repoussant les efforts toujours plus loin dans le temps, le risque est grand que l’inertie provoquée par un manque préalable d’investissements contraigne à un dépassement conséquent des budgets carbone.

Retarder cette réduction impacte de plus le contenu CO2 de l’atmosphère. Parce que le réchauffement dépend de la somme des émissions jusqu’à l’atteinte de la neutralité carbone et pas de la date de la neutralité carbone, tous les chemins pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ne sont pas équivalents. Par la poursuite de nos émissions, nous atteignons des seuils climatiques et des points de non-retours, desquelles découlent des impacts climatiques plus importants.

En lissant les budgets carbones, nous obtenons des budgets carbone qui nécessitent certes un effort initial plus important, mais qui sont moins susceptibles d’échouer purement et simplement, en particulier après 2030. Sachant que la réduction des dernières émissions de CO2 sera plus coûteuse à aller chercher, si les taux de réduction des budgets carbones sont très importants (avec le scénario actuel), l’objectif de neutralité climatique sera surement inatteignable.

Résumé

La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) qui guide la baisse des émissions de gaz à effet de serre en France doit être révisée pour intégrer une méthodologie comprenant les émissions importées depuis l’étranger, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

De quoi s’agit-il ?

Les enjeux climatiques sont étroitement liés à nos modes de consommation. L’indispensable réduction de l’empreinte carbone des Français implique de diminuer les émissions liées à la consommation de biens et services, qu’ils soient produits sur le territoire national ou importés. Pour cela, le Ministère de la Transition Écologique actualise chaque année l’empreinte carbone moyenne d’un français. Cette valeur de 9 tCO2e/an peut-être rehaussée à 9,9 tCO2e/an selon MyCO2. Malgré cela, rappelons que nous avons diminué de 20% cette empreinte depuis 2005. Mais une grande partie de cette réduction est dûe à l’externalisation de nos émissions, désormais effectuées en dehors du territoire national, et donc non comptabilisées.

Néanmoins, la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), la feuille de route des baisses d’émissions de gaz à effet de serre du pays, concerne seulement les émissions territoriales de la France. Cela ne concerne donc pas les entreprises nationales ayant des chaînes d’approvisionnement et de production internationales et les entreprises internationales qui vendent leurs produits sur le territoire national, alors que leur impact doit être pris en compte.

Afin d’évaluer correctement les efforts que nous devons réaliser, il est donc nécessaire d’avoir un indicateur qui mesure les émissions de nos importations et de nos exportations, intégré dans la SNBC. Nous pourrons ainsi intégrer des objectifs de décarbonation dans les échanges avec nos partenaires commerciaux et orienter notre stratégie commerciale vers des produits bas-carbone.

La prochaine révision de la SNBC verra l’intégration d’une empreinte carbone, comme indiquée dans le code de l’environnement à l’article L. 222-1 B “ il indique également un plafond indicatif des émissions de gaz à effet de serre dénommé “empreinte carbone de la France”. Ce plafond sera calculé en ajoutant aux budgets carbone les émissions engendrées par la production et le transport vers la France de biens et de services importés et en soustrayant celles engendrées par la production de biens et de services exportés.

Que proposons-nous ?

Plusieurs méthodologies différentes existent pour mesurer notre “empreinte carbone” : sur la base de la production, de la consommation, avec un ajustement technologique, basé sur le revenu, etc. Chacune possède des avantages et des défauts. Nous proposons le choix d’une méthodologie ambitieuse, la plus pertinente et représentative de nos émissions de CO2.

Cependant, définir la méthode n’est pas suffisant. Il est nécessaire qu’un service compétent de l’Etat comme le Service de la donnée et des études statistiques (SDES) affine et valide la robustesse de cet indicateur. Il sera ensuite important de pousser cette méthode au niveau de l’UE mais aussi de la faire valider dans les prochaines Conférence des parties (COP), comme nouvel indicateur complémentaire du suivi des émissions territoriales.

En parallèle, il convient de créer plusieurs indicateurs visant à évaluer la performance climat des entreprises au regard de la future SNBC, qui inclurait les émissions importées. L’alignement avec les trajectoires sectorielles de la SNBC serait mesuré par la réduction des émissions de GES et le développement de puits de carbone dans les chaînes de valeur. La capacité à induire une réduction des émissions pour les tiers serait mesurée par la part du chiffre d'affaires représentée par la vente de produits et services qui facilitent la transition.

En complément, afin d'accompagner les entreprises, de relier la SNBC à la mise en œuvre des politiques publiques et d’assurer des suivis sectoriels, il est nécessaire de définir précisément les périmètres et interfaces en matière de responsabilités des ministères.

Résumé

Pour garantir le respect des engagements climatiques français, chaque candidat à l’élection présidentielle devra remettre au Conseil Constitutionnel un bilan carbone chiffré de son programme.

De quoi s’agit-il ?

Le réchauffement climatique est un des enjeux majeurs de notre siècle, y compris dans son volet démocratique. Il est nécessaire que la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre soit déterminée collectivement, de manière à respecter l’Accord de Paris, visant à maintenir le réchauffement climatique mondial sous une augmentation d’1,5°C. Le réchauffement climatique concerne l’ensemble des individus, il nous confronte à notre vision de l’avenir et est véritablement structurant dans les décisions à prendre au niveau national. Le sujet est de plus particulièrement important pour les Français : pour 9 sur 10 d’entre eux, la défense de l’environnement est aujourd’hui un sujet important, sur lequel les responsables politiques, tous partis confondus, devraient s’impliquer davantage.

Or, il n’est aujourd’hui pas possible de mesurer les conséquences climatiques de notre vote. Il est très compliqué, voire impossible, pour un électeur non expert sur le sujet, de faire la différence entre une mesure d’affichage et une mesure réellement efficace pour lutter contre le réchauffement climatique, sans parler des slogans, des promesses vaines et fake news.

C’est un enjeu démocratique que de choisir ensemble notre futur. L’impact sur le climat du programme de tous les candidats doit donc être accessible de manière transparente et simple aux électeurs, afin de garantir un choix éclairé.

Que proposons-nous ?

Chaque candidat à l’élection présidentielle doit évaluer la compatibilité de son programme avec les engagements climatiques pris par la France, en particulier avec l’accord de Paris.

Chaque candidat doit effectuer un bilan carbone de son programme, à l’exception de sa politique extérieure (hors industrie). Une estimation des impacts sur la biodiversité ou les ressources n’est pas requise, mais est naturellement bienvenue et permettra d’éclairer davantage. En raison de la complexité du processus, l’estimation est acceptée, mais doit être justifiée par des données fournies par le candidat. Nous ne recommandons pas de méthodologie, mais le processus de comptabilité doit être aussi précis que possible, et inclure les émissions extérieures causées par le programme du candidat. Cette évaluation doit être réalisée par l’équipe du candidat ou par un organisme extérieur.

Après l'opération de contrôle des 500 parrainages nécessaires à la présentation à l’élection présidentielle, le Conseil Constitutionnel est chargé de s’assurer du consentement des candidats ayant franchi ce seuil. A cette occasion, il leur est demandé une déclaration de patrimoine et une déclaration d'intérêts et d’activité, qui sont consultables jusqu’à la proclamation des résultats du premier tour. L’évaluation carbone du programme du candidat sera remise à cette occasion, et est obligatoire pour participer au scrutin du premier tour. Elle sera consultable par l’ensemble de la société civile, et comparable avec l’évaluation de ses concurrents à l’élection présidentielle.

Cette mesure permet de s’assurer que les candidats respectent les engagements climatiques français, peu importe leur couleur politique et la nature de leur programme.

Résumé

Les textes de loi, pour garantir leur compatibilité avec les engagements climatiques français, devront faire l’objet d’une évaluation ex-ante pour les textes relevant des affaires économiques, de la finance ou du développement durable. Ils pourront être exemptés avec justification.

De quoi s’agit-il ?

L’évaluation a posteriori des lois est primordiale pour évaluer leur efficacité, les modifications éventuelles à apporter et estimer les impacts réels qu’elles ont eu. Mais en matière environnementale, il nous apparaît qu’une évaluation a priori des lois, au moment de leur promulgation, soit essentielle pour rendre compte des futurs impacts du texte, et sa compatibilité avec la stratégie nationale guidant la baisse des émissions.

L’évaluation environnementale est un processus visant à intégrer l’environnement dans l’élaboration d’un projet, ou d’un document de planification, et ce dès les phases amont de réflexion. Il existe déjà des formes d’évaluations climat de projets locaux. L’article R-122.2 du Code de l'environnement liste les projets devant faire l’objet d’une étude d’impact. De nouvelles évaluations environnementales sont également en cours de mise en place. Lors du deuxième Conseil de défense écologique réuni le 9 juillet 2019, le Président de la République a décidé que les grandes lois d'orientation seraient évaluées sous l'angle de leur impact sur les gaz à effet de serre, un an après leur entrée en vigueur. De plus, l’article 302 dispose que le gouvernement remette, avant le 31 décembre 2022, un rapport sur les moyens d'améliorer l'évaluation de l'impact environnemental et climatique des projets de loi.

Mais ces mécanismes d’évaluation climatique des lois sont aujourd’hui insuffisants en France, en grande partie parce qu'ils sont numériquement faibles, peu ambitieux ou a posteriori. Or, évaluer directement les lois avant leur promulgation permettrait de mener efficacement la SNBC, la stratégie nationale permettant d’atteindre la neutralité carbone, tout en identifiant clairement les lois incompatibles avec cet objectif. Le HCC (Haut Conseil pour le Climat) a d’ailleurs constaté que seulement 3% des articles de lois sont actuellement évalués sous l’angle du climat, ce qui l’a conduit à conclure que la France ne pilotait pas sa SNBC.

En avril 2021, 46 parlementaires réclamaient une évaluation climatique systématique des lois dans une tribune publiée dans le Monde. Une proposition de loi pour l’évaluation climat des lois était par ailleurs déposée fin juin 2021, prévoyant dans son article 3 la possibilité d’examiner un principe d’irrecevabilité climatique, garde-fou contre des textes législatifs dont les impacts divergeaient manifestement des trajectoires climatiques nationales. Le Haut Conseil pour le Climat, dans son avis portant sur le projet de loi Climat et Résilience recommande de signaler l’impact supposé des amendements quant à l’objectif national de neutralité carbone au cours de la phase parlementaire. Une fois la loi promulguée, l’étude d’impact devrait être mise à jour l’étude d’impact en vue de guider la préparation des décrets d’application. Dans le texte de loi, un dispositif de suivi et d'évaluation ex post doit être prévu, avec une précision des indicateurs de suivi et les dates d’évaluation.

Que proposons-nous ?

Il faut donc évaluer de façon beaucoup plus systématique l’impact des textes de lois, des propositions de loi et des politiques publiques sur l’empreinte carbone de la France. Avant sa présentation en Conseil des ministres (ou par le ministère concerné dans le cas d’un décret), un texte devra avoir fait la preuve qu’il est compatible avec l’objectif de neutralité carbone en 2050 et avec l’objectif intermédiaire de 2030, ou justifier cette incompatibilité. Cette mesure a été introduite au niveau européen par la Loi Climat adoptée en 2021. La Commission évalue, avant son adoption, la cohérence de tout projet de mesure ou de proposition législative, y compris les propositions budgétaires, au regard de son objectif de neutralité climatique et des objectifs de l’Union en matière de climat pour 2030 et 2040, et inclut cette évaluation dans toute analyse d’impact accompagnant lesdites mesures ou propositions. Le résultat de cette évaluation est rendu public au moment de l’adoption.

Par défaut, tous les projets de loi relevant d’une des commissions parlementaires susceptibles d’avoir un impact considérable sur la trajectoire carbone du pays seraient soumis à une évaluation climat obligatoire ex-ante. Cette évaluation s’inscrira dans le cadre de l’étude d’impact de chaque texte, qui existe depuis la loi organique du 15 avril 2009 en France. Les commissions qui nous paraissent devoir être concernées en premier lieu sont les commissions Affaires économiques, Finances et Développement Durable et l’aménagement du territoire.

Conscients de l’actuelle complexité du processus législatif et afin de ne pas entraîner de délais supplémentaires dans l’établissement de nouvelles lois, il nous paraît acceptable qu’un projet de loi puisse être dispensé d’une évaluation climat complète ou que cette évaluation soit effectuée après sa promulgation, sous réserve d’une justification écrite des raisons légitimant cette dispense et de sa validation par un organe de contrôle indépendant (le même qui fait l'évaluation climat). Les projets de loi Finances, qui déterminent largement l’action publique, ne sont pas éligibles à cette dispense et devront automatiquement être évalués.

L’évaluation climat serait idéalement réalisée par un organe de contrôle indépendant (CNTE,CESE, Autorité Environnementale), ou éventuellement, la Commission Développement Durable et aménagement du territoire. Il est possible de faire réaliser l’étude par une commission gouvernementale mais une contre-expertise indépendante doit exister (lourdeur de fonctionnement). De plus, une évaluation ex-post comme retour d’expérience et sur les lois du Ministère de la Transition Écologique (MTE) ou commission durable pour s’améliorer et feedback des mesures instaurés par le MTE.

Nous constatons néanmoins un manque de méthodologies reconnues pour effectuer cette évaluation climat de projets de lois. Il s’agira également de commanditer l’établissement de la grille d’évaluation nécessaire auprès d’un organisme indépendant (HCC et sa cotation voir plus haut) ou en s’inspirant des grilles existantes de l’I4CE ou l’IGF/CGEDD. Cette grille et les critères utilisés devront offrir un guide pour évaluer la disponibilité et procéder à la collecte des données nécessaires, effectuer l’évaluation a priori et rendre accessible au public ses résultats pendant la promulgation de la loi. Une évaluation a été partiellement conduite pour les 69 articles initiaux du projet de loi Climat et résilience : l’étude d’impact précisait la contribution de chaque article aux objectifs de la SNBC, même si cette contribution n’était pas quantifiée. Cette évaluation et sa méthodologie pourront servir d’exemple et de support de réflexion.

Un tel dispositif permettra une évaluation a priori des lois, et une meilleure identification des textes législatifs compatibles avec la SNBC et les engagements climatiques nationaux.

Résumé

Pour s’assurer que les entreprises effectuent bien leur bilan carbone comme prévu, ce qui n’est le cas que d’un tiers d’entre elles aujourd’hui, une amende graduée sera mise en place, allant jusqu’à 2% du chiffre d’affaire de l’entreprise.

De quoi s’agit-il ?

Le reporting des émissions de gaz à effet de serre est la première étape vers la réduction des émissions d’une entreprise. Celui-ci mène à l’identification des postes les plus importants, souvent inconnus, et permet d’entreprendre des plans d’actions sur le long terme vers leurs diminutions. Actuellement, le reporting doit prendre la forme d’un Bilan d'Émissions des Gaz à Effet de Serre (BEGES) ou d’une publication des émissions dans la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) de l’entreprise.

Selon le Code de l’Environnement, la réalisation du bilan des émissions de gaz à effet de serre est obligatoire pour les personnes morales de droit privé employant plus de 500 personnes en France métropolitaine. Il doit être réalisé tous les 4 ans pour les entreprises et être accompagné d'actions envisagées pour réduire les émissions de GES.”

Néanmoins, selon la dernière évaluation de l’ADEME fournissant un état des lieux des bilans publiés au 31 décembre 2018, le taux de conformité au bilan carbone laisse clairement à désirer et s’élève à 31%. Pour ce faire, nous militons pour augmenter le montant des sanctions en cas de non-respect de la loi. Aujourd’hui, l'entreprise est seulement soumise à une amende de 10.000€ en cas de non publication de son bilan carbone, et de 20.000€ en cas de récidive. Une amende, même de 20 000€, n’est pas suffisante car le coût de la réalisation d’un premier bilan carbone par un prestataire spécialisé est en moyenne supérieur à ce montant. La pénalité n’est pas contraignante et ne constitue pas une incitation suffisante pour les entreprises. Concernant la DPEF, aucune sanction n’est à ce jour appliquée.

Une nouvelle réglementation ambitieuse à l'échelle européenne est en cours d'élaboration sur les informations obligatoires à publier pour les entreprises de plus de 250 personnes à partir de 2023. L'Efrag, organisme mandaté par la commission européenne, a sorti un rapport sur les indicateurs climatiques que devront publier les entreprises et veut notamment rendre obligatoire la publication des émissions indirectes (scope 3). Cela n'était pas le cas dans les informations publiées à ce jour et uniquement disponibles sur bonne volonté de l'entreprise.

Dans ce rapport, il n'est toujours pas mentionné la mise en place de nouvelle sanction en cas de non-publication de l'information demandée. L'existence et la transparence de ces informations sur les émissions sont primordiales pour permettre aux citoyens et organismes réglementaires de s' assurer des efforts des entreprises pour réduire leurs émissions.

Que proposons-nous ?

Nous proposons la mise en place d’une amende graduée climatique en cas de non respect de la publication d’un reporting annuel des émissions de gaz à effet de serre, qui doit être à la hauteur de l’urgence. Nous soumettons la forme suivante :

1. Un rappel à l’ordre ;
2. Une injonction à publier son reporting complet avec une astreinte qui ne pourrait dépasser 50.000€ par jour de retard à compter de la date prévue de publication jusqu'à un plafond d’un million d’euros ;
3. Une amende équivalente à 2% du chiffre d’affaires annuel mondial de l’exercice précédent. Cette amende en cas de récidive sera portée à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial de l’exercice précédent.

Ces sanctions inciteront les entreprises à mesurer leur empreinte carbone plutôt que d’accepter les amendes actuelles, trop basses et ne poussant pas à l’action.

Par ailleurs, nous invitons les entreprises, politiques et citoyens à se saisir des sujets liés au reporting dans le cadre de la CSRD, la directive qui sera bientôt la norme en matière de reporting à l’échelle européenne. Les informations climatiques des entreprises devront être publiées dès 2024 pour l'année fiscale 2023 ! Ce reporting, vérifié par des organismes tiers indépendants, s'annonce ambitieux lors de sa mise en place. Les réfractaires au changement risquent d’être nombreux. Appliqué comme prévu, ce reporting permettra une grande transparence sur les émissions directes et indirectes des entreprises françaises et européennes. Le standard de reporting doit être le plus complet possible !

Résumé

La biodiversité est la grande oubliée des reportings extra-financiers ; des indicateurs relatifs à la bidoviersité, à la fois directs et indirects, doivent être intégrés au reporting obligatoire des entreprises.

De quoi s’agit-il ?

La biodiversité désigne l’ensemble des espèces et des êtres vivants sur Terre ou dans un écosystème spécifique. Elle est aujourd’hui en crise, à un point tel que la communauté scientifique parle de 6ème extinction de masse. Il est donc absolument essentiel que nos sociétés prennent la mesure de la pression qu’elles exercent sur la biodiversité, et la réduisent considérablement. Pourtant, la mesure des impacts des entreprises est essentiellement focalisée sur les émissions de GES et la biodiversité est encore aujourd’hui trop peu prise en compte.

De fait, dans le cadre de l’article 225 de la loi Grenelle 2, bien que figure la notion de « Protection de la biodiversité » (les entreprises devaient rapporter « Les mesures prises pour préserver ou développer la biodiversité »), très peu d’informations présentes dans le reporting des entreprises permettent d’évaluer les impacts négatifs. Ces dernières sont souvent qualitatives, et la faiblesse des métriques sélectionnées et publiées nuit à la compréhension claire des enjeux. De plus, l’absence d’alignement sur les indicateurs à utiliser (pollution lumineuse, atmosphérique en plus de la gestion des déchets et de la consommation d’eau) est perçue, à juste titre, comme un obstacle pour les entreprises.

Outre l’importance de sa prise en compte pour répondre à la crise écologique, la mesure des impacts négatifs sur la biodiversité est aussi importante pour les investisseurs. En effet, depuis l’entrée en vigueur de l’article 29 de la loi Énergie-climat, les investisseurs sont dans l’obligation d'analyser la contribution de leurs portefeuilles à la réduction des impacts négatifs sur la biodiversité. Raison de plus pour que le reporting sur la biodiversité soit clair, ambitieux et régulier !

Que proposons-nous ?

Nous proposons de rendre l’inclusion d’indicateurs relatifs à la biodiversité obligatoire dans le reporting des entreprises, en particulier pour les quatre filières identifiées comme prioritaires dans le Plan biodiversité (bâtiment et matériaux, agroalimentaire, énergie et chimie). Pour ce faire, un panel d’indicateurs englobant les principaux facteurs d’atteinte à la biodiversité devra être utilisé.

Ces indicateurs sont de plusieurs natures, à la fois directs et indirects. Des indicateurs d’impact direct peuvent être liés à la déforestation, l’utilisation de l’eau, la pollution lumineuse, la pollution atmosphérique, la pollution sonore, l’artificialisation des sols, les déchets, l’énergie…

Une fois les impacts identifiés, il est également indispensable de considérer des indicateurs concernant leur réduction maximale, et la compensation des impacts inévitables, par exemple dans le domaine de l’énergie ou du recyclage, en portant une attention fine aux risques d’approvisionnement de la chaîne de production.

Par ailleurs, un alignement des indicateurs fait actuellement l’objet de recherches à l’échelle européenne puisque la Commission européenne a chargé l’EFRAG et la GRI de construire de nouveaux indicateurs biodiversité, comme pour le climat. Il est donc impératif pour la France de se positionner dès à présent pour faciliter la mise en œuvre de ces projets et montrer sa proactivité. La prise en compte des impacts des entreprises sur la biodiversité est indispensable pour limiter au maximum la pression humaine sur ces ressources précieuses, et doit être améliorée.

Résumé

Les rémunérations des dirigeants sont aujourd’hui très peu indexées sur des critères environnementaux, ce qui ne les incite pas à avancer des objectifs ambitieux. Les seuils de rémunération variables et pluriannuelles doivent être rehaussés, par exemple avec 20% indexés sur des critères purement environnementaux et 15% sur des critères sociaux et de gouvernance.

De quoi s’agit-il ?

La rémunération des dirigeants d’entreprises cotées se décompose généralement en plusieurs parties : une rémunération fixe (20% du total en moyenne), une rémunération variable annuelle (30% du total en moyenne), des LTI (“Long Term Incentives”, 50% du total en moyenne) et des avantages en nature.

La LTI est donc une rémunération accordée aux dirigeants des entreprises, basée sur des indicateurs de performance de moyen terme. Ce plan peut être étalé sur plusieurs années (3 à 5 ans en moyenne). Pour obtenir cette rémunération, le dirigeant doit répondre aux critères fixés dans le plan. Ce dispositif remplace peu à peu l’attribution de stock-options qui était monnaie courante dans les grandes entreprises et les groupes internationaux. En règle générale, ces LTI reposent sur l’attribution d’actions gratuites de l’entreprise. Ces actions peuvent rapporter des dividendes ou une plus-value intéressante à la revente. Cette rémunération est donc intrinsèquement indexée au cours de l’action de l’entreprise.

Aucune loi n’encadre le processus d’’intégration de critères extra-financiers et notamment environnementaux dans ces rémunérations variables. Seul le code Afep-Medef aborde le sujet : ‘La rémunération de ces dirigeants doit être compétitive, adaptée à la stratégie et au contexte de l’entreprise et doit avoir notamment pour objectif de promouvoir la performance et la compétitivité de celle-ci sur le moyen et long terme en intégrant un ou plusieurs critères liés à la responsabilité sociale et environnementale.’’ On note que ni la loi Pacte ni encore la loi Climat et Résilience n’ont apporté de précisions à ce sujet. En effet, les conditions pour devenir une société à mission n’abordent pas la rémunération et son intégration des critères environnementaux. (2) (3)

Ce bilan est néanmoins à première vue positif. D’après le rapport Deloitte Pour l’exercice 2019, 90,4 % des sociétés du SBF 120, dont 94,6 % des sociétés du CAC 40, prévoyaient ainsi le versement d’une partie variable à leurs principaux dirigeants mandataires sociaux, selon des éléments liés aux politiques de développement durable.

Mais après avoir étudié les rémunérations des entreprises du CAC 40 en 2019 :

• Nous avons trouvé une pondération relativement faible : 6% des critères sont liés à l’environnement. Et cela va même plus loin pour la rémunération pluriannuelle où 50% des entreprises n’ont aucun critère lié à l’environnement.
• On note également un écueil majeur à cette démarche : trop souvent, les critères environnementaux sont mélangés avec d’autres objectifs RSE extrêmement larges (de la parité aux accidents de travail en passant par ‘’la fierté des collaborateurs’’). Cela s’ajoute à une pondération de ces différents objectifs floue ou non communiquée qui soulève un risque de dilution évidente. C’est notamment confirmée par l’étude du centre de recherche sur la finance durable de l’Edhec, ‘’le climat mérite mieux que 12%’’.
• De plus, on peut remarquer que la majorité des critères restent encore trop superficiels (peu de scope 3 ou de remise en question du business model avec souvent des actions annexes ayant un impact dérisoire comparé aux activités du groupe).

Nous avons concentré notre étude sur les critères environnementaux en excluant les critères concernant les questions sociales, éthiques, de diversité et de parité. Même si l’on ne peut que saluer une approche globale, il ne faut pas qu’elle devienne un moyen afin de dissimuler ou d’atténuer certains résultats plus difficiles à atteindre (scope 3) avec d’autres plus ‘’accessibles’’ (classement dans un index comme le DJSI, parité, sécurité etc). De plus, la remise en cause nécessaire du modèle d’affaire de ces entreprises ne peut être laissée avec une pondération aussi faible par rapport aux critères financiers de court terme, qui sont pour la grande majorité opposés à un changement structurel de l’entreprise.

Une autre critique de ces pratiques vient du Haut comité de gouvernement des entreprises, organisme veillant au respect du code Afep-Medef sur la gouvernance des entreprises, dans son septième rapport annuel : ‘’Il a relevé que, si l’application de cette recommandation progresse et si très peu de sociétés ne la respectent pas, des améliorations dans l’application sont souhaitables. Il n’est plus acceptable que la détermination de la rémunération variable d’un dirigeant n’intègre pas de critère environnemental. Le Haut Comité attend que les critères RSE soient définis de manière précise, soient lisibles, pertinents et intègrent les enjeux sociaux et environnementaux propres à l’entreprise. Une simple référence à l’application de politique RSE, le renvoi à un programme interne RSE ou à des enjeux généraux non définis ne sont pas suffisants.’’

Cela s’ajoute à une critique de l’IFA : Dans un rapport sur le rôle des conseils d’administration dans la prise en compte des enjeux climatiques par les entreprises, l’IFA recommande aux conseils de fixer des critères quantifiables liés à la performance climatique, comme la trajectoire de réduction des émissions et la notation environnementale de la société, dans la rémunération variable des dirigeants.

Que proposons-nous ?

Nous proposons donc de fixer un minimum de la rémunération variable annuelle ET pluriannuelle des dirigeants sur des indicateurs obligatoires qui seront imposés par la réglementation CSRD, un nouvel outil de reporting extra-financier à venir :

• 20% sur l’environnement et 15% pour le Social et la Gouvernance ;
• Pour l’entreprise à mission, fixer ces seuils à 35% et 15%.

L’objectif doit être évolutif et suivre une stratégie de réduction des impacts cohérente avec les trajectoires des accords de Paris (un objectif qui pourrait être proposé par le Comité de responsabilité environnementale, voir proposition suivante) et les objectifs fixés au secteur d'activité de l’entreprise par la stratégie nationale bas carbone et la stratégie nationale de biodiversité.

Chaque critère doit être identifié, quantifiable et séparé afin d’éviter les regroupements et les pondérations floues voire non communiquées comme actuellement. Les critères E, S, G qui fondent la rémunération doivent être distincts les uns des autres et leur notation et pondération communiquées de manière transparente à l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise, afin d’éviter la dilution mentionnée dans l’étude ‘’le climat mérite mieux que 12%’’.

La rémunération et son indexation aux enjeux environnementaux est considérée à la fois comme un signe de maturité des entreprises sur ces questions et comme une motivation supplémentaire pour intégrer ces dimensions dans la stratégie des entreprises. Le mouvement est largement encouragé par la remise en cause d’une entreprise entièrement vouée à la satisfaction des actionnaires, la montée en puissance du concept de raison d’être, de celui d’entreprises contributives. Plus largement, il s'agit de marquer les défis environnementaux et sociaux que doivent relever les entreprises. Cela constitue un marqueur de maturité sur la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) car cela montre qu’il ne s’agit pas d’un sujet annexe mais d’une réalité stratégique. La rémunération doit être vue comme un symptôme qui révèle le fonctionnement de l’entreprise.

S’il ne faut pas résumer la stratégie environnementale des groupes par la rémunération des dirigeants, on ne peut écarter la pertinence de cet indicateur comme révélateur de cette stratégie. C’est également confirmé par les trajectoire carbone des groupes loin d’être compatibles avec les objectifs des accords de Paris.

Cela sera également une aide pour la compétitivité des entreprises française afin d’obtenir les meilleures performances extra-financières : dans le cadre de la taxonomie et de la réorientation des flux financiers, cela sera un avantage afin d’attirer les capitaux et pouvoir continuer à investir dans la R&D entre autre, nécessaire à une transition réussie. Cela permettra également une adaptation plus rapide à l’arrivée de la directive CSRD, future remplaçante de la directive NFRD visant à créer un standard européen de publication des informations extra-financières.

Le caractère réglementaire représenterait ainsi une première en Europe, donnant à la France en cas de succès une expertise certaine sur le sujet qui sera à n'en pas douter, majeur et croissant en importance dans les années à venir. Cela donne également plus de substance à l’entreprise à mission, accusée de n’être jusqu’à présent qu’un outil de communication pour les entreprises. Cela permettra enfin un meilleur alignement entre les enjeux de l’entreprise et celle de ses dirigeants. Une pondération plus saine entre le financier plutôt de court et moyen terme aux enjeux environnementaux plutôt de moyen et long terme.

Résumé

Tout en laissant l’opérationalité à la discretion du Conseil d’Administration, un Comité de responsabilité environnementale composé de membres du CA, de salariés et d’experts indépendants doit établir les objectifs environnementaux et la feuille de route de l’entreprise en terme d’objectifs chiffrés, entre autres.

De quoi s’agit-il ?

Les grandes orientations stratégiques de l’entreprise sont définies par le conseil d’administration et ses sous-comités, composés d’administrateurs. Ces derniers sont élus lors des Assemblées Générales des actionnaires, à l’exception de un ou deux administrateurs élus par les salariés.

La loi PACTE propose un nouvel organe de gouvernance avec la société à mission : le comité de mission. Indépendant, celui-ci est chargé du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre de la mission. Par ailleurs, un nombre croissant d’entreprises se dotent d’un comité de parties prenantes ou comité développement durable pour assurer le suivi de leurs engagements RSE.

Si cette évolution est à saluer, elle nous paraît néanmoins loin d’être suffisante. Elle n’est par nature applicable qu’à une très petite partie des entreprises, qui acceptent la casquette d’entreprise à mission. Or, il nous semble pertinent compte tenu des évolutions à venir que le CA ne soit pas le seul organe à apprécier les risques (financiers mais surtout extra-financiers), et ce pour toutes les entreprises. En effet, les membres qui composent le CA sont principalement des professionnels financiers.

Les risques climatiques semblent en effet sous-évalués par les entreprises. Dans les matrices de double matérialité (impacts de l'environnement sur l'entreprise et de l'entreprise sur son environnement) des entreprises du CAC 40, l’environnement n’est quasiment jamais au niveau le plus fort. C’est un des signaux illustrant la tension interne aux entreprises entre le court et long terme avec l’élément central du taux d’actualisation. Les quelques pratiques existantes de dialogue parties prenantes se révèlent souvent peu concluantes : les parties prenantes choisies sont soit très conciliantes, ou ont parfois l’impression de se faire instrumentaliser. L’attention portée aux attentes des parties prenantes n’est pas toujours claire : ces dispositifs peuvent parfois se limiter à cocher la case “dialogue parties prenantes” pour s’afficher responsable auprès des investisseurs.

On constate aujourd’hui un manque de stratégies long terme en matière d’alignement des groupes avec des trajectoires climatiques vertueuses.

Que proposons-nous ?

Nous proposons donc de rendre obligatoire un comité de responsabilité environnementale à haut niveau de gouvernance de l’entreprise, en s’inspirant de la loi PACTE, adaptée spécifiquement à la stratégie environnementale. Ce comité devra se composer de membres du conseil d’administration, de salariés représentants des parties prenantes et d’experts climats/stratégie climatique indépendants. Au moins 20% de ses représentants devront être intégrés au conseil d’administration, idéalement des membres n’y siégeant pas déjà. Ce comité doit également être consulté par le CA pour l’examen d’opportunités.

La création de ce comité de mission permet de structurer en politique RSE les multiples initiatives prises par le management. Mais parfois le sujet reste en comité RSE plutôt que d’être intégré dans la réflexion stratégique. Il faut donc veiller à ce que ce comité ne devienne pas un alibi pour y cantonner la RSE.

Le comité de responsabilité environnementale aura plusieurs rôles, et en particulier :

• Etablir les objectifs environnementaux et la feuille de route en terme d’objectifs chiffrés, l’atteinte des objectifs restant du ressort du CA et de l’opérationnel ;
• Approuver l'identification et l’évaluation des risques majeurs ;
• Attribuer le pilotage des mesures de mitigation des risques ;
• Valider et suivre les plans d'actions qui lui sont présentés ou qu'il a initiés ;
• Consulter les rapports et le cas échéant auditionner les experts externes indépendants ayant exprimé un avis sur la performance RSE de l’entreprise (auditeurs, agences de notation, organismes tiers Indépendants...) ;
• Tracer les investissements afin de s’assurer que tous les moyens nécessaires (financiers, humains, logistiques) sont disponibles pour atteindre la trajectoire environnementale et surtout ne sont pas contraire aux objectifs, comme c’est parfois le cas.
• Définir dans sa proposition de trajectoire environnementale des points d’étapes sur lesquels on pourrait indexer les rémunérations variables des dirigeants (voir la proposition sur la rémunération)

Le but premier est de renforcer l’indépendance entre les personnes chargées de réaliser les objectifs et celles qui fixent ces derniers, notamment d’un point de vue environnemental, afin de garantir leur ambition. L’évolution de manière régulière des objectifs pour être cohérent avec une stratégie de long terme est en effet indispensable, notamment sur l’empreinte carbone pour laquelle les objectifs dépendent des résultats passés et futurs de l’entreprise. Mais la création de ce comité, de par sa composition, permet également de rendre compréhensible et acceptable la trajectoire de transition par toutes les parties prenantes, et évite les conflits au sein de l’entreprise, par exemple avec un meilleur accompagnement lors des réorientations d’activité.

La prise en compte des risques climatiques est fondamentale pour la stratégie, plus particulièrement pour les investissements visant la limitation des risques. Ils sont naturellement indexés sur la priorité donnée aux risques. On peut souligner que le fait que ce comité ne propose que des objectifs chiffrés liés à une trajectoire laisse une totale souplesse et liberté à chaque société d’un point de vue opérationnel.

Résumé

Les administrateurs du CA nouvellement élus devront suivre un cycle de formation aux enjeux environnementaux pour assurer leur connaissance des sujets pour la bonne gestion de l’entreprise. Les administrateurs réélus bénéficieront de remise à jour sur les connaissances scientifiques les plus récentes.

De quoi s’agit-il ?

Le Conseil d’Administration d'une société anonyme est constitué de trois à dix-huit administrateurs, nommés par l’assemblée des actionnaires. Le CA a plusieurs missions : déterminer les orientations stratégiques de la société ; nommer et révoquer les dirigeants exécutifs ; fixer leur rémunération ; choisir le mode d’organisation de sa gouvernance (dissociation ou unicité des fonctions de président et de directeur général) ; contrôler la gestion et veiller à la qualité de l'information fournie aux actionnaires ainsi qu'aux marchés, selon le code AFEP-MEDEF.

Les administrateurs ont droit à diverses formations pour exercer leur mandat. Selon l’article R225-34-3 du Code du commerce, elles portent sur le rôle et le fonctionnement du conseil d'administration, les droits et obligations des administrateurs et leur responsabilité ainsi que sur l'organisation et les activités de la société. Ces formations doivent notamment permettre aux administrateurs de garantir la performance économique et financière de l’entreprise, conformément aux intérêts des actionnaires. A ce titre, ces derniers valident la stratégie d'entreprise et les objectifs proposés par la direction générale, en charge de la mise en œuvre opérationnelle.

Mais à l’heure de l’urgence écologique, la performance économique ne peut plus seule guider les décisions stratégiques et opérationnelles des entreprises. La pérennité d’une entreprise dépend de sa capacité à réorienter sa stratégie et ses activités en fonction des mutations économiques, technologiques, réglementaires et, surtout, environnementales. Toutefois, les administrateurs n’ont, pour la majorité, pas de connaissances environnementales assez robustes pour s’assurer que les intérêts financiers de court terme ne portent pas préjudice aux intérêts de long terme de l’entreprise, de ses parties prenantes et de la société.

Que proposons-nous ?

Nous proposons de rendre obligatoire une formation à la prise en compte des enjeux environnementaux dans la gouvernance de l’entreprise pour l’ensemble des membres des conseils d’administration.

L’ensemble des membres du CA doivent se former aux enjeux environnementaux et aux nouveaux paradigmes économiques nécessaires face à l’urgence écologique. Ainsi, chaque conseil devrait suivre une formation sur ces sujets. Cette formation vise à l’acquisition et l’approfondissement de compétences techniques nécessaires à l’exercice du mandat d'administrateur afin d’assurer la longévité de l’entreprise en rendant compatible son modèle économique avec les limites planétaires et l’atteinte des objectifs environnementaux internationaux, nationaux et locaux.

• Pour les administrateurs nouvellement élus, cette formation pourrait être composée de 2 parties. La première devrait apporter les connaissances fondamentales sur les enjeux environnementaux (biodiversité, climat, ressources naturelles, etc). D’une durée de 15 heures, cette formation ferait l’objet d’une certification réglementaire et serait dispensée par des acteurs extérieurs indépendants de l’entreprise. La seconde serait une déclinaison opérationnelle, selon l’approche double matérialité (impacts de l'environnement sur l'entreprise et de l'entreprise sur son environnement), des enjeux environnementaux de manière à surveiller les activités de l’entreprise et la poursuite des ces engagements environnementaux. D’une durée de 15 heures, le contenu de cette seconde partie serait déterminé par le conseil d'administration, après avis des administrateurs concernés.
• Concernant les administrateurs réélus, une formation plus courte, à mi-mandat, viserait à mettre à jour leurs connaissances environnementales sur la base de l’évolution de la science.

Une bonne pratique consisterait à mentionner les différents programmes suivis dans le rapport de gouvernement de l’entreprise.

Résumé

Les agences de prospectives françaises reçoivent une mission environnementale explicite pour faire émerger un observatoire des métiers de la transition écologique.

De quoi s’agit-il ?

Pour appréhender les besoins futurs dans chaque partie de la société, les organismes appropriés mènent des recherches permettant de dégager des éléments de prévision : il s’agit de prospective. L’urgence écologique impose une transformation massive et rapide de notre société et rend de tels exercices prospectifs nécessaires dans plusieurs domaines : énergétique, alimentaire, des mobilités…

Une question en particulière devrait retenir l’attention des décideurs politiques: l’évolution de l’emploi et de l’activité économique. De nombreuses études, par exemple celle du Plan de transformation de l’économie française du Shift Project, montrent que la transition écologique entraînera des modifications profondes du marché du travail, avec la création de centaines de milliers de postes dans certains secteurs et une destruction de même ordre de grandeur dans d’autres. Ces évolutions doivent être anticipées si nous voulons avoir une chance de les amortir, en favorisant la reconversion des qualifications, des employés et des entreprises.

Les auteurs du rapport - ainsi que de nombreux industriels et personnalités politiques - alertent aussi sur une probable pénurie de compétences à venir. par exemple, la France ne forme tout simplement pas assez les travailleurs du bâtiment pour mener à bien le chantier de la rénovation thermique. Toujours d’après le Shift project, 110 000 emplois à temps plein supplémentaires seraient déjà nécessaires aujourd’hui. Un sondage de mai 2021 réalisé par OpinionWay indique que ⅔ des artisans du bâtiment ont dû refuser des chantiers faute de main-d’oeuvre.

Il est donc impératif de mieux analyser ces besoins afin d’élaborer des politiques de formation et d’investissement à la hauteur de ces enjeux. La transition écologique n’est pas qu’une question de financement : elle nécessite de profonds changements humains et sociétaux, qui s’organisent sur le temps long et doivent être évaluées dès maintenant.

Il existe actuellement un Observatoire National des Emplois et Métiers de l'Économie Verte (ONEMEV), qui regroupe plusieurs services chargés d’étudier les compétences et les emplois: la Délégation Générale à l’Emploi et à la Formation Professionnelle (DGEFP), France Compétences, le Centre d’Etudes et de REcherches sur les Qualifications (CEREQ)... Mais cet observatoire n’a, jusqu’ici, pas eu de mission prospective, dispose de peu de moyens et d’une faible visibilité. Par ailleurs, ces organismes pris individuellement ne considèrent pas la transition écologique comme l’un de leurs objectifs principaux, et ne possèdent pas de services qui y soient dédiés.

Que proposons-nous ?

Il nous paraît nécessaire de donner une mission environnementale explicite à ces agences, de former les services à ces enjeux, de mieux les coordonner sur la question écologique, voire de regrouper certains services dans une structure à part entière dédiée à la transition. Une fois ce renforcement effectué, la ou les structures résultantes se verront confier une réelle mission prospective, et la charge de traduire ses conclusions en actions concrètes.

Nous proposons donc de faire émerger un véritable observatoire des métiers de la transition écologique, en renforçant, regroupant et mettant en contact les structures existantes (ONEMEV, DGEFP, France Compétences, France Stratégie…). Il s’agit également de le doter d’attributions nouvelles, afin d’améliorer son opérationnalité tout en élargissant son périmètre de compétence : mener des études prospectives poussées sur les évolutions de l’emploi en France imposées par l’urgence écologique; faire le lien avec les services étatiques en charge de la formation professionnelle, afin de répondre aux besoins sur les compétences identifiés. Enfin, cet effort de prospective devra être décliné au sein des branches d’entreprises et des filières industrielles. Dans ses diverses interactions avec celles-ci, l’Etat devra favoriser de telles anticipations, voire de les y inciter directement par le biais de dispositifs (EDEC, etc).

Il est aujourd’hui clair que les politiques publiques environnementales souffrent d’un manque global de cohérence et d’anticipation: c’est l’une des conclusions principales du bilan écologique du quinquennat réalisé par le think tank Terra Nova. Or, la pensée sur le temps long est essentielle pour gérer et anticiper les points les plus délicats de la transition. Une réflexion conséquente sur la prospective des métiers de la transition écologique est une première étape indispensable pour réussir ce virage.

Résumé

Les métiers de la transition environnementale doivent être mis en avant pour répondre aux besoins de main d’oeuvre, ce qui passe par une formation des conseillers et des enseignants du secondaire et un meilleur accès à l’information sur les métiers concernés.

De quoi s’agit-il ?

De nombreux secteurs clés pour la transition énergétique connaissent des pénuries de main d'œuvre qualifiée et des pertes de savoir-faire (voir notre mesure Créer un organisme de prospective pour les emplois verts et verdissants). A cela s’ajoute l’émergence de nouveaux besoins liés à de nouvelles problématiques, en particulier dans l’habitat, avec par exemple la rénovation énergétique.

Il est donc essentiel d’intégrer ces secteurs au sein de la formation initiale, et de les rendre attractifs. Il faut renforcer l’information auprès des nouvelles générations sur les opportunités des métiers de la transition écologique et offrir la possibilité à tous de se réorienter vers ces nouveaux secteurs.

Que proposons-nous ?

Face aux nouveaux acteurs dans le secteur de l’orientation, il ne nous apparaît pas nécessaire de créer de nouveaux outils dédiés à l’orientation vers les métiers liés à la transition écologique. Néanmoins, les outils existants doivent être mis au service de la transition écologique. La mobilisation de ces différents dispositifs en faveur de la transition écologique pourrait se faire à travers plusieurs actions.

Nous proposons de former les conseillers en insertion et en réorientation professionnelle aux métiers verts et verdissants. Tout particulièrement, il semble essentiel de développer une approche basée sur les besoins des différentes filières, en se référant à des travaux de prospective. Les enseignants du secondaire doivent aussi être sensibilisés et informés sur ces sujets. Dans les modules de cours dédiés à l’orientation délivrés au lycée, l’accent doit davantage être mis sur les métiers en tension et les filières d’avenir : il s’agit d’articuler les aspirations des élèves et la réalité du marché du travail, en les informant correctement sur des métiers essentiels mais insuffisamment connus.

Afin de simplifier l’accès à l’information disponible, les métiers liés à la transition écologique pourraient bénéficier d’une communication et d’une mise en avant particulière et renforcée, que ce soit en ligne (via la création de rubriques dédiées dans les sites d’information) ou via la mise en avant des kits et de supports de communication dans tous les centres de formation. De façon active, l’organisation de présentations spécifiques des métiers liés à la transition écologique et aux métiers verts pourrait être systématisée (via des séminaires, webinaires, etc.)

De nombreux métiers essentiels à la transition écologique souffrent d’un déficit d’attractivité, à lier à une moindre valorisation des métiers manuels et des filières techniques en France qui restent des filières “par défaut”. La revalorisation de ces métiers apparaît donc nécessaire afin d'éviter des pénuries de main d'œuvre. Elle est de plus un enjeu d’avenir fondamental.

Résumé

Au même titre que les formations santé-sécurité, aujourd’hui obligatoire, les entreprises doivent mettre en place des formations environnement pour former les salariés à ces enjeux.

De quoi s’agit-il ?

L’urgence écologique impose une transformation massive et rapide de notre société. Les entreprises constituent un théâtre essentiel de ces mutations, par leurs activités d’une part et par le fait qu’elles regroupent d’autre part la majorité de la population active. Rappelons que presque 90% de la population française active est salariée et que près de 80% de ces salariés travaillent dans le secteur privé. Or la plupart de ces personnes ont quitté les bancs de l’école depuis plusieurs années et certaines de leurs formations, en particulier sur les questions environnementales, ne sont pas à jour. 47% des 18-35 ans pensent que la réalité du réchauffement climatique n’a pas été démontrée scientifiquement et que 46% déclarent ne pas bien connaître la signification de l’expression « gaz à effet de serre » d’après un sondage d’Ipsos. La méconnaissance du sujet écologique est donc une réalité tenace qu’il faut affronter, parce qu’elle constitue un frein majeur dans la prise de conscience individuelle qui reste la première étape nécessaire pour faire changer en profondeur les entreprises.

Un système simple préexiste déjà : les formations santé sécurité au travail dont le cadre existe déjà. L’article R-4141 du code du travail définit le cadre juridique selon lequel l’employeur a l’obligation d’assurer la formation à la sécurité des salariés. Cette obligation introduit le principe d’une formation pratique et appropriée des salariés aux risques auxquels ils sont exposés tout au long de leur vie professionnelle. Ainsi tout employé nouvellement embauché, changeant de poste ou revenant d’une période d’inactivité doit être formé. Une amende de 3750 € par employé non formée pourra être exigée et l’employeur risque une condamnation pénale au tribunal correctionnel.

A noter que si des organismes tiers peuvent élaborer les contenus proposés, le comité social et économique (CSE) juge de sa qualité et la valide.

Que proposons-nous ?

Nous proposons de rendre obligatoire une formation sur les enjeux environnementaux, calquée sur la formation obligatoire santé et sécurité au travail. La loi climat et résilience ayant doté les CSE de la compétence environnementale, il est particulièrement adapté pour accompagner et encadrer le développement de ces formations. Le cadre juridique et les différentes dispositions permettant l’implémentation de cette loi sont celles déjà utilisées dans le cadre des formations santé-sécurité. Dans les axes directeurs de cette formation, se trouveraient les causes et les conséquences du réchauffement climatique, les neuf limites planétaires, les causes et les conséquences de l’effondrement de la biodiversité, l’introduction aux notions d’épuisement des ressources et de sobriété…

Délivrée lors de toute nouvelle embauche, cette formation sera renouvelée à une fréquence donnée par exemple 3, 5 ou 7 ans.

A cela s’ajoutera une forte recommandation de compléter cette formation générale par un enseignement plus spécifique à l’activité de l’entreprise et/ou de la branche concernée. Les représentants de l'État pourront inciter, via des concertations avec les différentes parties prenantes et les opérateurs adaptés au développement de ce type de formations, notamment en lançant des appels d’offres aux différents organismes formateurs et en faisant subventionner tout ou partie des formations qui en résulteraient.

Rares sont les entreprises qui forment adéquatement leurs employés sur les questions climatiques et rares sont les organismes qui proposent des formations approfondies sur ces sujets. En rendant obligatoire une formation sur les enjeux généraux, cela permettrait de créer un socle commun de connaissance qui servira de base pour la transformation des entreprises et de notre société. Ce socle pourra ensuite être étoffé par les formations de branches plus spécialisées, pour les entreprises et employé.e.s qui veulent pousser leur démarche encore plus loin. De la même manière que la formation santé sécurité a pour but de prévenir les risques sur les personnes sur le lieu de travail, la formation environnementale obligatoire visera à prévenir les risques sur l’environnement occasionnés par les entreprises.

Résumé

Pour pourvoir des emplois dans les domaines promis à l’expansion par la transition environnementale tout en résorbant le chômage, le dispositif Territoires Zéro Chomeurs longue durée et les contrats aidés doivent être développés.

De quoi s’agit-il ?

La France compte 3,1 millions de chômeurs, et 2,3 millions de personnes qui exercent une activité réduite. Le chômage apparaît comme un des maux du 21ème siècle, alors même que l’accès au travail est un droit constitutionnel français.

En parallèle de ce constat, les enjeux liés à la transition écologique demandent de développer de nouveaux métiers et de nouvelles compétences, ce qui laisse penser que la création d’emplois verts serait une solution efficace à mettre en place pour résorber le chômage tout en créant de la valeur. Les secteurs concernés sont nombreux : sécurité climatique, habitat vert (rénovation thermique, par exemple), industrie verte du transport, aménagement écologique du territoire etc.

Ainsi, le collectif “Un emploi vert pour tous” estime qu’un million d’emplois verts aidés pourraient être créés d’ici 2027 (soit 200 000 par an), pour un coût inférieur ou égal aux coûts actuels du chômage d’exclusion, estimés à 36 milliards d’euros par an par l’association ATD Quart Monde. Cela représente 5 fois plus d’emplois que n’en proposent les dispositifs actuels !

Que proposons-nous ?

Il nous paraît tout d’abord essentiel de développer les dispositifs existants en les tournant vers des emplois verts. Ce qui peut se faire par le biais de deux initiatives différentes : la généralisation de l’initiative Territoires zéro chômeurs longue durée basée sur des comités locaux partout en France d’une part, et la création de nouveaux contrats aidés d’autre part.

• Le dispositif Territoires zéro chômeurs longue durée repose sur des comités locaux, regroupant de nombreux acteurs du territoire concerné (élus, entreprises, chômeurs, pôle emploi etc…) qui ont pour but de créer des EBE : entreprises à but d’emploi, qui sont censés assurer l’embauche de personnes privées d’emploi en développant des activités utiles qui manquent au territoire. Dans le cadre de cette réforme, ces comités locaux auront pour but de déterminer une liste précise d’emplois verts à pourvoir dans leur région. En généralisant les territoires zéro chômeurs longue durée nous pourrions créer 650 000 emplois pour un coût de 16 à 17 milliards d’euros selon les travaux du collectif Un emploi vert pour tous et de l’institut Rousseau.
• Les contrats aidés sont des emplois dont une partie des cotisations sociales est prise en charge par l’Etat. L’objectif est de développer ce dispositif pour des emplois verts. Pour ce faire, il serait possible d’utiliser les fonds de “revitalisation”, payés par les entreprises qui licencient pour “revitaliser le territoire”. En 2015, l’ONG ATD Quart Monde estimait le coût d’une personne sans emploi pour l’état à 15 400 euros par an. Dans le même temps, en 2016, 3.3 milliards d’euros ont été utilisés pour financer 400 000 contrats aidés, soit 8 250 euros par personne : les contrats aidés, utilisés avec parcimonie, pourraient donc être un moyen économiquement intéressant d'insérer les individus dans l’emploi vert.

Il sera ensuite nécessaire de créer une filière verte d’insertion, afin de permettre aux entreprises de cet écosystème de mettre en place des synergies et de se développer plus rapidement. Les entreprises membres de cette filière devront respecter plusieurs critères : leur principale mission doit être l’insertion de personnes sans emploi dans des activités économiques permettant la préservation de l’environnement.

Cette réforme propose donc des pistes de solution afin de réduire le nombre de chômeurs de longue durée tout en palliant au non sens économique et humain que représente le chômage, en particulier alors que de nouveaux besoins émergent pour la transition énergétique.

Résumé

Face à la reconversion à venir des employés des filières amenées à se réduire, voire à disparaitre, des schémas de reconversion doivent être mis en place pour ces secteurs, la réorientation doit être favorisée, et les plans de relance et de sauvetage doivent être conditionnés à des garanties environnementales.

De quoi s’agit-il ?

L’incidence de la transition écologique en matière d’emploi est ambivalente, à la fois pourvoyeuse de nouvelles activités (voir les mesures de promotion et de prospective des emplois verts), mais également destructrice de postes dans des secteurs non compatibles avec les enjeux de l’urgence écologique.

Selon la plupart des estimations, son effet global serait bénéfique: la création annuelle d'emplois était estimée à +20% (349 000 emplois) à horizon 2022 par France Stratégie en 2015. De même, la transition écologique pourrait être à l’origine de la création de 1,1 million de postes et de la destruction de 800 000 autres selon des estimations du Shift Project. Néanmoins, de fortes disparités sont à observer entre les secteurs: par exemple, l’agriculture et le bâtiment pourraient voir leur effectif augmenter fortement, à l’inverse de l’automobile ou du textile.

A ce titre, la transition écologique engendrera une recomposition de la structure du marché du travail, nécessitant, d’une part, une formation initiale adaptée (comme nous le demandons à Pour un réveil écologique), mais également une accompagnement des travailleurs des secteurs amenés à décliner pour les mener vers des activités davantage tournées vers l’avenir.

Les métiers verts et verdissants désignent respectivement les emplois dédiés à la protection ou à l’entretien de l’environnement, et ceux qui sont déterminants pour mener à bien une transition écologique (et dont la pratique s’en trouve profondément impactée): on y trouve certaines activités agricoles, industrielles, du bâtiment… Ces métiers étant pour certains relativement nouveaux, ils sont parfois mal connus des agents publics, et demandent donc qu’on leur prête une attention accrue.

Que proposons-nous ?

Nous proposons une série de mesures pour accompagner la reconversion des employés des filières amenées à se réduire, voire à disparaître. Certaines mesures sont reprises d’un rapport du RAC, de l’Ademe et du Ministère de la Transition écologique, Les reconversions professionnelles, clé d’une transition écologique juste.

1. Établir des schémas de reconversion de filière pour les filières industrielles les plus impactées par la transition écologique, c’est-à-dire identifiées comme “en déclin” ou “en restructuration profonde” par la structure de prospective que nous proposons (voir mesure de prospective sur les emplois verts et verdissants). Ce schéma doit être lancé au niveau du comité de pilotage de la filière, quand il existe; il suivra un logique de reconversion par sites de travail/collectifs de travail, afin d’éviter de démembrer des unités productives.
2. Dans les secteurs en déclin, favoriser les réorientations vers des métiers verts ou verdissants. Il existe aujourd’hui plusieurs dispositifs, à la fois individuels (contrat de sécurisation professionnel, congé de reclassement) et collectifs (convention FNE-formation, dispositif Transco), visant à sécuriser le parcours d’employés dont les postes sont menacés par des mutations économiques. Ces outils, récents pour la plupart - on en doit une partie à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 - sont intéressants et pourraient permettre de lutter contre la précarité de l’emploi, mais ils sont pour l’instant sous-utilisés, et peu mis à contribution pour la transition écologique. Par des orientations et des décisions internes adaptées, la puissance publique pourrait saisir ces dispositifs pour promouvoir les métiers favorables à l’environnement, soit en les valorisant auprès des travailleurs, soit par des incitations directes (octroi de crédits CPF supplémentaires, etc).

Conditionner les plans de relance et de sauvetage à des garanties environnementales, et ce dans toutes les filières. L’environnement doit désormais être une priorité politique claire, et ne pas être subordonné à la décision économique, même lors de crises sanitaires ou sociales ; la fermeté dans ce domaine agira comme une incitation et un signal fort pour les entreprises françaises.

Résumé

Les agents publics, élus de la République et membres du gouvernement et leurs conseillers sont formés aux enjeux environnementaux, à la fois par un volet de formation initiale dans les écoles de service public, et par un volet de formation continue avec une programme de formation national.

De quoi s’agit-il ?

La mise en œuvre de la transformation environnementale dépend de la mobilisation des individus, des entreprises ainsi que des pouvoirs publics. Ces derniers doivent en effet rendre soutenables les services et infrastructures publics mis à la disposition des citoyens et entreprises, pour leur permettre de réduire leur empreinte environnementale. A ce titre, pour guider leurs actions notamment en matière climatique, l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs doivent, conformément à l'article L222-1 B du code de l'environnement prendre en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre. Or la question environnementale n’est que trop faiblement prise en compte de manière transversale et systémique dans les politiques publiques. S’agissant du changement climatique, le rapport annuel 2021 du Haut Conseil pour le Climat indique que les politiques publiques actuelles sont insuffisantes pour garantir l’atteinte des objectifs climatiques de 2030.

Concevoir, mettre en œuvre ou évaluer les politiques publiques au regard des objectifs environnementaux de la France suppose que les agents publics disposent des connaissances environnementales nécessaires pour appliquer les documents de planification et de programmation de leurs administrations. Or les agents publics ne sont pas réellement formés à la transition écologique, comme le confirme la tribune "Répondre au défi climatique nécessite de former l’ensemble des agents publics" en décembre 2019, signée par plus de 150 agents et acteurs du service public. Ce constat est partagé parmi les hauts fonctionnaires en poste, comme en témoigne une autre tribune publiée en septembre 2020 dans Le Monde : “L’écologie ne fait toujours pas partie du logiciel de la haute administration”.

Face aux constats du manque de formation environnementale des agents publics, le gouvernement a mis en place, dans le cadre de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 et de l’ordonnance portant réforme de l’encadrement supérieur de l’État publiée le 2 juin 2021, des actions en matière de formations initiales et continues.

Sur le champ de la formation initiale, la création de l’Institut national du service public (INSP) s’accompagne d’un tronc commun de 100 heures aux 14 écoles de service public (ENA, INET, ENM, EHESP, EN3S, ENSP, ENAP, EOGN, ENSV et 5 écoles d’application de Polytechnique : AgroParisTech, ENPC, Ecoles des Mines, ENSAE, ENSTA). A compter de 2022, les élèves de ces écoles suivront 20 heures de formation sur la transition écologique, la transition numérique, le rapport à la science, inégalités et pauvreté, valeurs de la République et principes du service public. Ce tronc commun n’est donc réservé qu’aux élèves-fonctionnaires qui auront vocation à intégrer des corps ou cadres d’emploi de niveau dit A+.

Sur le champ de la formation continue des agents publics de l’Etat, l’INSP a désormais pour mission de regrouper une offre renouvelée et accrue à destination des hauts fonctionnaires. Toutefois, aucune orientation claire n’est donnée en direction d’une formation environnementale systémique et transversale des cadres dirigeants de l’Etat. Seul le schéma directeur de la formation professionnelle tout au long de la vie des agents de l’Etat pour 2021-2023 indique dans l'axe prioritaire n°6 la nécessité de "Développer une offre de formation en ligne sur les grands enjeux de transformation (la transition écologique, l'éco responsabilité et le changement climatique..., le rapport à la science, et l’orientation des usagers)". En décembre 2021, à la suite du Comité de suivi du dispositif Services publics éco-responsables, la formation en ligne "Etre éco-responsable dans son quotidien professionnel" a été rendue disponible à l’ensemble des agents publics de l’Etat. Cette avancée est louable car elle concerne l’ensemble des agents publics. Toutefois, elle ne concerne que les leviers internes des administrations centrales (mobilité, alimentation, numérique...) et non pas sur les leviers externes (investissements, politiques publiques, budgétisation verte, services publics…) dont disposent ces dernières pour atteindre les objectifs environnementaux nationaux.

Si la volonté politique existe concernant la formation continue environnementale des agents publics de l’Etat et que des travaux de fond sont actuellement en cours pour recenser les formations existantes, il manque toutefois un plan de formation cohérent pour assurer la montée en compétences des agents, toutes catégories, sur leurs champs d’expertise.

Concernant la fonction publique territoriale, le Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) accompagne les collectivités territoriales pour faire évoluer leurs agents tout au long de leur carrière. Il conçoit et organise des stages, des événements, des itinéraires, en lien notamment avec les plans de formation des collectivités, et des formations sur mesure adaptées à leurs attentes et à leurs besoins. Or il apparaît que ces plans de formation sont décorrélés des documents de planification et de programmation en matière environnementale, lorsqu’ils existent.

Que proposons-nous ?

Sur le plan de la formation initiale, il convient d’étendre le tronc commun, en particulier le module relatif à la transition écologique, des 14 écoles du service public à l’ensemble des écoles du service public (IRA, INSET, ESPE, ESEN, ENSSIB, ENFIP, INTEFP, ... ). Ce tronc commun devra faire l’objet d’évaluations annuelles pour s’assurer de son adéquation, d’une part, aux connaissances grandissantes des étudiants en matière environnementale, et, d’autre part, aux évolutions des politiques publiques ;

Sur le plan de la formation continue, un programme national de formation écologique à destination de l’ensemble des agents publics et élus de la République devrait être défini. Ce programme doit cibler et anticiper, sur la base des stratégies nationales en matière environnementale, les besoins en compétences actuels et futurs des agents publics, toutes catégories. Ce programme devra être décliné au niveau des administrations centrales, des administrations sociales et des administrations territoriales, en concertation avec les parties prenantes de ces dernières.

Ce programme devra également prévoir des parcours de formation environnementale à l’attention des membres du gouvernement et élus de la République et de leurs conseillers respectifs. En effet, ces acteurs jouent un rôle central en matière d’orientation de l’action publique, qu’elle soit nationale ou locale, et sont à ce titre en interaction constante avec des agents publics, sur qui reposent la mise en œuvre.