L’urgence écologique se résume trop souvent à la simple - et pourtant déjà complexe - problématique du réchauffement climatique. La crise à laquelle nous sommes confrontés est toutefois bien plus diversifiée. Dans cet article, nous nous proposons de rappeler quelques faits marquants sur 4 aspects majeurs de la crise écologique, appuyés de faits et de chiffres sourcés, à savoir:
Ce qui relie toutes ces problématiques, c’est la pression que nous faisons peser sur l’environnement et la déstabilisation de processus bio-géophysiques qui en découle.
En 50 ans (1970-2016), 68% des animaux vertébrés sauvages ont disparu. 2⁄3 des 20 000 populations de mammifères, oiseaux, reptiles et poissons… Tout bonnement disparu. Les populations d’oiseaux, quant à elles, ont diminué de 28% sur les 30 dernières années en France et, vu les tendances actuelles, elles continueront à se faire de plus en plus rares dans les forêts et campagnes françaises dans les années à venir. Si vous voulez entendre le chant des oiseaux, mieux vaut ne pas trop tarder !
En fait, les conséquences de l’effondrement de la biodiversité sur nos systèmes humains sont énormes. La faune et la flore nous rendent un vaste éventail de services écosystémiques, dont certains sont indispensables à notre survie:
Si l’on peut être tenté de donner une valeur monétaire aux services rendus par tel ou tel écosystème sur la base des éléments listés ici, on finit toujours par occulter certaines dimensions qui contribuent à la valeur - d’option, d’héritage ou d’existence - associée à la préservation de la biodiversité.
Préserver nos écosystèmes naturels et stopper les massacres en cours est donc indispensable. Mais contrairement au réchauffement à l’échelle globale ou aux émissions de CO2, difficile de mesurer la perte de biodiversité et de se fixer un objectif à l’aide d’un indicateur unique. La biodiversité se décline au niveau des écosystèmes, des espèces mais aussi des individus.
Le sujet vous intéresse ? Pour suivre l’évolution des 40 000 espèces en voie d'extinction, le décompte est ici. La présence de l’homme met sur le chemin de l'extinction presque ⅓ des espèces qu'il côtoie de près ou de loin. En étudiant l’exemple de l’Australie, des chercheurs en anthropologie ont démontré que les humains conduisent les grands animaux à l’extinction dès lors qu’ils débarquent dans un nouveau biome. Le terme de super-prédateur nous colle-t-il à la peau ?
Vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas. La biodiversité connaît un déclin dramatique et on sait exactement pourquoi : Le Groupe d’experts International sur les Ressources (IRP) le rappelle, 90 % de la perte de biodiversité est due à l'extraction et au traitement des ressources. Ajoutons à cela les catastrophes naturelles amplifiées par le changement climatique, les incendies, le dérèglement des cycles naturels de l’azote et du phosphore... et on commence à visualiser l’ampleur des menaces qui pèsent sur la vie sauvage. Si nous ne transformons pas nos sociétés toutes entières, à commencer par le rythme auquel nous exploitons la nature,, ce déclin est voué à se poursuivre. …
Petite note d’espoir, les efforts de conservation peuvent marcher. Le bison d’Europe, par exemple, est passé de la catégorie « Vulnérable » à celle de « Quasi menacée ». Un petit progrès ciblé, qu’il incombe de poursuivre et d’adapter à chaque espèce. Pour comprendre cette catégorisation, un schéma sur la classification de l’UICN :
De même, l’IPBES reconnaît que la mise en place de zones protégées - lorsque la protection est suffisamment forte - permet de protéger efficacement la biodiversité. Il recommande d’ailleurs de placer 30% de la surface terrestre sous protection forte.
L’être humain marque de sa patte la surface de la planète, en creusant et exploitant les terres pour en extraire les ressources dont il a besoin. Bois, pierre, sable, métaux, phosphore, uranium, calcaire… Comme nous le rappelle l'International Ressources Panel (IRP), en 2017, nous utilisions 90 milliards de tonnes de ressources matérielles, et cela pourrait doubler d’ici 2050 ! Pour se donner un ordre d’idée, c’est comme si l’on creusait la France sur 15 cm d’épaisseur (543 940 km²). Et ceci, tous les ans ! Pourtant, à mesure que nous extrayons des ressources, chaque nouvelle tonne de ressources devient de plus en plus coûteuse puisqu’il faut creuser toujours plus, plus loin, plus profond - pour faire face à une demande croissante et des réserves dont la qualité va en s’empirant. Les impacts néfastes sur l’environnement augmentent alors mécaniquement avec la quantité de ressource extraite. Réussirons-nous à continuellement trouver de nouvelles réserves pour satisfaire nos désirs de consommation? Rien n’est moins sûr.
Par ailleurs, n’oublions pas que la répartition des ressources mobilisées n’est pas égalitaire aujourd’hui. Dans les pays à revenu élevé, l’empreinte matérielle par habitant est de 27 tonnes, contre seulement 2 dans les pays à faible revenu, soit 13 fois moins. En outre, comme ils dépendent généralement de l’extraction de ressources à l’étranger (et souvent dans des pays eux-mêmes moins développés), les pays à revenu élevé sous-traitent une partie des impacts environnementaux et sociaux de leur consommation.
Prenons un exemple pour mesurer l’ampleur d’un changement important mais nécessaire de la transition énergétique. L'électrification des usages et le développement massif des énergies renouvelables nécessitera énormément de matières premières, dont en grande majorité des matériaux structurels, que nous ne pouvons pas substituer (acier, fer, ciment, cuivre). En utilisant les chiffres produit par l’US State of Energy(table 10), la France nécessitera pour passer de 8,4 Twh en 2018 à 20,6 TWh en 2023 de photovoltaïque ( selon la PPE), environ 95 000 tonnes d’acier, 44 000 tonnes de ciment etc.
Il faudra donc, en parallèle de l’électrification de certains usages carbonés vitaux, diminuer notre consommation d’énergie pour abaisser notre empreinte matière et in fine environnementale. En plus des risques de pénurie physique, les signaux économiques risquent de compliquer la tâche: les prix de ces matériaux augmenteront, appuyé par une concentration minière toujours plus faible (on exploite les gisements les plus rentables /accessibles et concentrés en premiers) et une concurrence ardue entre les pays pour satisfaire leurs développement.
Pour se donner un ordre d’idée de l’impact sur les sols et la quantité de matière extraite selon les moyens de production électrique, voici pour chacun leur l’empreinte matière:
Baptiste Andrieux, doctorant sur ces sujets avec Olivier Vidal, explique dans ce podcast qu’un scénario énergétique de l’Inde en 100 EnR pour 2060 nécessitera d’installer 750 GW d’EnR pour atteindre la neutralité carbone. Cela nécessitera d’excaver l’équivalent de la surface de la France sur 1 m de profondeur.
Pour aller plus loin sur ce sujet : La production mondiale d'électricité : une empreinte-matière en transition
Certains trouveront ce point de vue alarmiste alors que les techniques d’exploitation progressent. Voici un certains nombres de points qui permettent de se faire une idée précise des enjeux associées aux ressources :
Il est donc nécessaire d’arrêter de croire que le recyclage et la technologie suffiront à eux seuls à répondre à nos besoins en ressources naturelles. Comme l’explique Philippe Bihouix sur les limites du recyclage, “Avec la perte par dispersion (à la source), perte mécanique (la boîte de conserve, l’agrafe et le stylo partis en décharge), perte fonctionnelle (par recyclage inefficace), perte entropique (marginale) : tel est notre destin, le cercle vertueux du recyclage est percé de partout, et à chaque « cycle » de consommation on perd de manière définitive une partie des ressources. On n’ira pas gratter la peinture anticorrosion à l’étain et au cuivre sur les vieux bateaux. Et c’est bien d’abord la manière dont nous concevons et consommons les objets qui crée l’hémorragie. “
Venons en au réchauffement climatique. C’est aussi le plus présent dans le débat public, et à juste titre : les activités humaines provoquent un réchauffement croissant du climat, à l’échelle mondiale, qui impacte déjà nos sociétés et met en péril leur pérennité dans les quelques dizaines d’années qui viennent. Pour cadrer la discussion, reprenons les mots du dernier rapport du GIEC:
Un aperçu de ce que cela signifie en France ? Ca chauffe déjà et cela ne va que s’empirer :
Note : l’évolution de la température moyenne annuelle en France est représentée sous forme d’écart de cette dernière à la moyenne observée sur la période 1961-1990 (11,8°C). Source : Météo-France
Pour avoir plus de détails sur les conséquences du changement climatique sur la France, ainsi qu’un résumé du 2ème groupe de travail du GIEC. Spoiler : il y a 3,3 milliards d’êtres humains exposés au changement climatique !
Enfin, pour finir de dresser un spectre large des enjeux associés à notre environnement et notre empreinte écologique destructrice, nous allons parler des pollutions. Les émissions de polluants dans l’air, l’eau et les sols ont un impact local et disproportionné sur notre santé et sur l’environnement. Rien qu’en France, entre 40 000 et 100 000 personnes décèdent chaque année prématurément à cause de la pollution de l’air. Pour mettre les choses en perspective, cela correspond à 5 mois d'espérance de vie perdus pour chaque adulte de plus de 30 ans.
Retenons aussi que les pollutions existent sous plusieurs formes, dans l’eau, l’air ou les sols (6500 sites avec des sols pollués en France). En 2022, nous avons d’ailleurs franchi la limite planétaire associée aux pollutions chimiques, qui correspondait alors à la 5ème limite planétaire dépassée. Entre-temps, nous en avons même dépassé une 6ème, celle qui attrait au cycle de l’eau douce. Ces limites planétaires marquent le moment où nous provoquons un changement d’état irréversible . Voici un schéma qui présente les limites déjà franchies :
Actuellement, la masse totale de plastique sur la planète représente plus du double de la masse de tous les mammifères vivants… Ceci alors que 80 % de la quantité de plastiques produits sont simplement relachés dans la nature où ils prendront des centaines d’années à se décomposer. Les effets de cette dégradation sur les écosystèmes sont décidémment mauvais. Dans le même temps, la production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950. Mais restez tranquilles, elle devrait seulement tripler d'ici 2050. Pour l’entrée, vous préférez la soupe de plastiques ou le cocktail de produits chimiques ?
On l’aura compris : tout ne va pas bien dans le meilleur des mondes.
Alors, lutter contre le dérèglement climatique, ce n’est pas tant s’occuper de la nature, ou du vivant. C’est - avant toute chose - sauver notre peau.
Ensuite, si l’on veut réellement soigner notre environnement, l’heure n’est plus au déni, aux discours ou au découragement, mais à l’urgence et l’action devant le massacre qu’on commet déjà depuis des décennies. Alors, arrêtons de nous rendormir devant ces multiples alarmes. Réveillons-nous, tous ensemble.
Baptiste Eisele - Pour Un Réveil Ecologique