La mine constitue un enjeu majeur de notre monde. Alors que la communauté scientifique appelle à une sortie des hydrocarbures et à une électrification des usages, nos yeux se tournent désormais en partie vers cette nouvelle dépendance dans laquelle nous entrons. Celle des métaux. À l’origine de la plupart des matières premières que nous utilisons, c’est le point de départ de tout système de production d’énergie, de stockage et de transport d’énergie, éléments centraux de nos sociétés.
Si nous tentons de modifier ces modes de production et de réduire les quantités à produire, ces systèmes restent des éléments incontournables de notre futur. La mine également par extension.
Si l’imaginaire collectif nous a nourri d’innombrables images de mines, ces vastes surfaces de terres mises à nues et éventrées, que sont-elles vraiment? Quelle est leur genèse? Comment sont-elles développées? Dans un contexte géopolitique instable où des tensions d’approvisionnements des ressources se font ressentir, quelle est la flexibilité de ces infrastructures? Est-ce long et fastidieux d’en créer de nouvelles?
C’est à une partie de ces questions que cet article tente de répondre. En retraçant la manière dont un projet minier est mené, l’idée est de vous faire prendre conscience des rouages de ces activités.
Un métal est un élément chimique qui peut former une liaison métallique. La plupart des éléments de la classification périodique sont des métaux.
Un minéral est un matériau solide cristallisé homogène qui est un des composants d’une roche.
Un minerai est un minéral ou un assemblage de minéraux à partir duquel on peut extraire une substance utile à l’industrie.
En clair, une roche est composée de différents minéraux, eux-mêmes composés de différents éléments chimiques (notamment des métaux). Si cette roche contient suffisamment de minéraux d'intérêt, elle peut être exploitée industriellement et est appelée minerai.
Le but de cet article est de donner au lecteur une vision générale du développement d’une activité minière, de la phase prospective au plan de réhabilitation du site en passant par la construction de l’usine. Les propos exposés ici proviennent de différentes interviews de géologues ou d’ingénieurs travaillant dans le monde minier. Ils ne sauraient être totalement exhaustifs.
Commençons par un ordre de grandeur : 5 à 10 ans.
C’est le temps qu’il faut pour développer une installation minière à partir du moment où une première anomalie a été décelée. Une anomalie est le relevé d’une grandeur donnée qui s’écarte anormalement des valeurs de référence attendues et qui sont le marqueur de la présence d’un type de structure géologique donnée. C’est un problème courant en géologie que d’essayer de définir les caractères physiques, la forme et la position des structures géologiques à partir des anomalies, c’est-à-dire des variations de champ géophysique mesuré à la surface1. Autrement dit, la présence d’anomalies renseigne les géologues sur la présence de certains types de roches dans des quantités inhabituelles. Pour illustrer ce propos, l’étude des anomalies magnétiques d’une région permet de déterminer la présence ou non de roches ferromagnétiques.
Pour revenir à l’ordre de grandeur cité plus haut, il faut donc 5 à 10 ans pour développer une activité minière, et encore quelques années pour que l’usine de traitement du minerai soit correctement calibrée pour atteindre une production optimale. Cet aléa dans les durées dépend de l’abondance et de la disponibilité de la commodité qu’on cherche à extraire ainsi que de sa valeur et de la tension sur son approvisionnement. Ce qui reste néanmoins certain est que ce processus reste long à l’échelle humaine et qu’il est donc nécessaire d’avoir des scénarios prospectifs pour commencer dès à présent à rechercher les gisements dont nous aurons besoin demain.
De fait, toute activité minière commence par une phase de prospection, appelée phase de reconnaissance des amas. Cette prospection peut se faire de deux manières. La première, sur laquelle nous ne nous étendrons pas, s’appelle le brownfield. Elle consiste à continuer l’exploration aux alentours d’une exploitation déjà existante. Ceci est réalisé par toutes les compagnies aux alentours de leurs gisements pour augmenter la durée d’opération de leurs usines et profiter des installations déjà déployées.
La seconde manière d’opérer est appelée greenfield. Elle consiste à chercher dans un endroit où aucune installation n’existe et où rien n’est encore exploité. Cette activité est beaucoup plus intéressante et complexe, comme nous allons le voir par la suite.
Ainsi la recherche de nouveaux gisements passe par la recherche d’anomalies, peu importe leur nature. Pour ce faire, deux outils principaux vont être utilisés : une carte géologique d’une part et une carte d’anomalies d’autre part.
La carte géologique est la représentation des roches et structures géologiques, présentes à l'affleurement ou en subsurface, d'une région. Son objectif est de présenter la répartition spatiale des faciès lithologiques [1], leur succession, ainsi que les diverses structures d'ordre tectonique
Le relevé de l’ensemble des anomalies d’un territoire donné donne ce qu’on appelle une carte d’anomalies.
Par soucis de simplification, on appellera carte géologique la superposition de ces deux cartes.
Ces cartes sont plus ou moins détaillées et complètes en fonction de l’intérêt de la région étudiée. La méthode universellement utilisée, qui se retrouve dans toutes les cartes géologiques pour déterminer la nature des roches d’une région est le stream sediment. Cela consiste en la tâche laborieuse d’aller faire des relevés des sédiments à différents endroits de tous les cours d’eau d’une région. En faisant l’hypothèse que tout ce qui est dans ce prélèvement provient de l’amont de la rivière, on peut avoir une idée des roches présentes dans le bassin amont. En faisant des relevés réguliers, on peut déterminer, si de nouveaux sédiments apparaissent, de quelles zones ils proviennent. Les hypothèses faites dans ce cadre sont fortes et les cartes ainsi élaborées sont très approximatives. Ces cartes sont donc partiellement fausses mais recensent tout de même différents indices, sans certitudes. Il est donc nécessaire de les compléter avec un certain nombre de relevés. On peut ainsi citer les relevés des anomalies magnétiques, électromagnétiques, radiométriques (pour trouver des roches radioactives), infrarouges, des relevés aériens pour déterminer la présence de failles ou les limites de craton (vaste portion stable du domaine continental), l’imagerie hyperspectrale ou l’analyse de données satellitaires permet également d’avoir des informations sur certains territoires. Le croisement de toutes ces données, liées aux explorations du terrain et aux prélèvements faits par des entreprises privées ou l’Etat permet ainsi de dresser cette fameuse carte géologique, probablement incomplète et biaisée mais tout de même intéressante.
Maintenant que nous savons comment sont établies ces cartes géologiques et leur usage, il convient d’expliquer le déroulement de la phase de prospection. Ce travail va être réalisé par une équipe de géologues du groupe minier qui cherche à développer une nouvelle mine. Le groupe va de fait déterminer quels sont les métaux qu’ils cherchent à récupérer. Une petite parenthèse de terminologie est nécessaire pour ne pas créer de confusion.
Le groupe va donc déterminer les métaux qui l’intéressent : par exemple nickel, cobalt, manganèse, uranium. Le géologue va ensuite chercher les minéraux qui contiennent ces métaux et déterminer ceux qui sont les plus intéressants. Ce sont ces derniers qui vont être recherchés, notamment avec l’aide de la carte géologique. Une fois que les géologues ont déterminé qu’une zone géographique était pertinente, deux cas de figures se présentent.
Soit une équipe va sur le site concerné pour chercher plus précisément et vérifier que la zone est effectivement intéressante, soit le groupe dépose directement auprès du gouvernement du pays concerné un permis d'exploration. Les deux stratégies ont leur part de risques et d’intérêts.
En allant directement sur site, les entreprises prennent le risque de se faire doubler. La règle qui existe en effet dans le secteur minier est : «premier arrivé, premier servi ».
En allant parlementer avec le gouvernement du pays concerné, l’intérêt du site n’est pas nécessairement vérifié donc il y a toujours la possibilité de payer un permis d’exploration d’une zone sans ressources exploitables.
Admettons que le processus continue et qu’il aboutisse au dépôt d’un permis d’exploration. Le contenu de ce dernier dépendra du code minier du pays concerné. Il contiendra systématiquement une emprise au sol, c'est-à-dire la surface précise sur laquelle les recherches vont être menées. La date de dépôt - comme évoqué plus tôt - fait généralement foi pour savoir à qui revient le permis. Cependant, il est souvent nécessaire d’avoir de bons contacts auprès du gouvernement pour s’assurer d’avoir ce qu’on demande. Seuls quelques pays comme le Canada ou l’Australie dérogent à cette règle.
Une fois le permis d’exploration obtenu, les premières activités vont pouvoir commencer. Suivant une logique de risque-bénéfice, les groupes miniers commencent par investir très peu d’argent dans ces explorations. Les travaux menés par les équipes de géologues seront légers et effectués en surface. Quelques analyses chimiques pourront être effectuées et une cartographie plus précise de la zone sera établie. Une fois ces travaux préliminaires terminés un point est réalisé pour déterminer si la zone a effectivement un potentiel.
Si le potentiel est confirmé, la deuxième phase peut commencer. Une carte encore plus détaillée va être élaborée avec la réalisation des premiers sondages. Des moyens supplémentaires vont être investis, des explorations aériennes pourront être effectuées, notamment pour sonder des endroits moins accessibles. Le schéma de sondage va d’abord débuter par un maillage assez grossier, par exemple tous les deux kilomètres, puis au fur et à mesure que des informations positives remontent sur la nature du sol et du sous-sol, cette maille va être réduite au niveau des zones d’intérêt, pour avoir une cartographie toujours plus précise. Une fois que la maille a été suffisamment réduite pour avoir une très bonne idée de la composition du sous-sol, les travaux de modélisation et d’estimation vont être effectués pour finir de caractériser le sous-sol et lever tous les red flags. Ces red flags correspondent à tous les indices suggérant l’existence de problèmes à venir pour la bonne opérabilité de l’exploitation.
Le travail du géologue de terrain est presque terminé, il ne lui reste plus qu’à estimer de manière de plus en plus détaillée les ressources minérales. Une ressource minérale est une concentration d’une substance inorganique solide naturelle incluant les métaux de base et les métaux précieux. Cette ressource est d’une teneur ou d’une qualité telle qu’elle présente des perspectives raisonnables d’extraction rentable. Le but est donc de déterminer leur localisation, leur quantité, leur teneur, leurs caractéristiques géologiques. Les ressources minérales, ou une partie d’entre elles, pourront successivement être identifiées comme des ressources minérales supposées, indiquées ou mesurées par une personne qualifiée. La notion de ressource ne doit pas être confondue avec celle de réserve. Les réserves minérales désignent la partie économiquement exploitable des ressources minérales mesurées ou indiquées, démontrée par au moins une étude préliminaire de faisabilité. L’étude doit inclure les renseignements adéquats sur l’exploitation minière, le traitement, la métallurgie, les aspects économiques et les autres facteurs pertinents prouvant qu’il est possible, au moment de la rédaction du rapport, de justifier l’extraction rentable. Les réserves minérales comprennent les matériaux de dilution et des provisions pour pertes subies lors de l’exploitation. Cette étude est faite à l’étape de la « mise en valeur » du processus de développement minéral.
C’est le travail du mineur de passer de la ressource à la réserve. La réserve relève de l’aspect techno-économique du projet. Par exemple, si une partie de la ressource présente des caractéristiques très intéressantes mais que son recouvrement, c’est à dire la quantité de roches se situant au-dessus du gisement recherché et gênant son accès, est trop important, il ne sera pas rentable de l’exploiter. Une ressource peut également passer du jour au lendemain à l’état de réserve si le cours d’un des métaux qu’elle contient augmente fortement.
La phase d’exploration, si elle se déroule bien, peut aller jusqu’au développement sur site d’un pilote. Celui-ci permettra notamment de calibrer la future usine qui verra le jour.
Si une production commerciale est envisagée, le groupe minier va chercher à déposer un permis d'exploitation au ministère des Mines. Le dépôt d’un tel permis est fortement corrélé avec des activités de lobbying politiques et de négociations, en particulier dans les pays en voie de développement.
Dans la demande de permis, le groupe minier joindra un plan d’exploitation expliquant les travaux qui seront effectués ainsi qu’une notice d’impact environnemental et social. Elle permet de décrire les risques que fait courir l’exploitation sur l’environnement et la structure sociale locale. L’entreprise devra prouver qu’elle est en mesure de mitiger ou compenser ces risques, et peut-être même apporter des améliorations ! Ce plan doit démontrer la capacité technique et financière du groupe à mener le projet. Une redevance sera également négociée. Un plan de réhabilitation doit également être rédigé. Ce dernier planifie la manière dont seront démantelées l’usine et autres installations présentes sur le site à la fin de la période d'exploitation, ainsi que la démarche qui sera suivie pour remettre en état le site, stabiliser les verses, traiter le bassin de rétention, etc. Si cette réhabilitation nous semble essentielle et qu’il est de fait appréciable de remarquer qu’elle est une partie intégrante de tout permis d’exploitation, elle n’est pas appliquée de manière équivalente dans tous les pays. Le décret n°2006-649 du 2 juin 2006 relatif aux travaux miniers, aux travaux de stockage souterrain et à la police des mines et des stockages souterrains du droit français peut donner une idée des contraintes législatives qu’impose la loi sur ces questions.
Pendant toute la durée de l’exploitation, l’entreprise exploitante devra publier des rapports sur les explorations faites. C’est donc le gouvernement local qui deviendra propriétaire de toutes ces données, qui pourront par ailleurs étayer les cartes géologiques dont nous avons discuté plus tôt.
Pour donner un ordre de grandeur, une phase d'exploration sur mille donne lieu à un permis d’exploitation. A la vue de cette statistique, on comprend aisément pourquoi les groupes miniers investissent au fur et à mesure leur argent dans les projets d’exploration et pourquoi les dépenses initialement faites sont faibles par rapport à la taille de la zone considérée. Ces dépenses iront grandissantes à mesure que le potentiel de la zone sera avéré. [11] On comprend également qu’il est nécessaire de prévoir les besoins futurs à un horizon d’une dizaine d'années pour avoir le temps de trouver et de construire les infrastructures nécessaires à l’exploitation de ces nouvelles ressources.
Ajoutons qu’un projet qui n’aboutit pas est tout de même utile puisque ces coûts et efforts d’exploration peuvent servir de guide afin d’estimer les capacités de production de demain, couplées aux données d’exploitation actuelle. En les liants aux besoins « probables » de consommation, on a un bon outil de prospective sur le futur de ces ressources critiques.
Le dépôt d’un permis d’exploitation est précédé de différentes phases d’étude et de faisabilité, ainsi que du développement d’un design d’usine et d’un schéma de procédé fiable. Deux grandes familles de procédés existent dans le monde minier : l’hydrométallurgie ou la pyrométallurgie.
Historiquement, les premiers procédés utilisés par l’humanité sont des procédés pyrométallurgiques. Ce genre de procédés peut être divisé en trois étapes :
● un traitement thermique pour homogénéiser la source de métal (grillage).
● une réaction chimique (oxydation) permettant la séparation
● l’affinage
Globalement ces procédés vont nécessiter énormément d’énergie pour chauffer les matériaux à des températures proches de 1000°C. Le lecteur comprendra aisément que ce genre de procédés engendre de grands rejets de gaz à effets de serre s’ils ne s’accompagnent pas d’unités de captage de dioxyde de carbone.
Quant aux procédés hydrométallurgiques, ils se sont développés à la suite des progrès de la chimie au cours du XIXème siècle. Moins énergivores que les procédés pyrométallurgiques, ils permettent également de traiter des minerais avec de plus faibles concentrations en métaux. La voie chimique offre également une plus grande flexibilité de travail, en particulier dans la taille des installations. Là où un procédé pyrométallurgique doit traiter de grandes quantités de minerais pour être rentable, un procédé hydrométallurgique peut faire n’importe quelle taille.
L’organisation générale de ce type de procédé est décrite comme suit.
Après une phase de pré-traitement où le minerai extrait, solide, a subi un certain nombre d’opérations physiques de purification et quelques mélanges pour obtenir un solide conditionné prêt à être traité, de l’acide va être utilisé pour lixivier les métaux. Ce qu’on appelle la lixiviation correspond à la percolation , c'est-à-dire le passage d’un fluide, ici un solvant, dans un matériau poreux permettant la dissolution des matières solides qui y sont contenues. L’idée est donc ici d’utiliser une solution acide pour dissoudre tous les métaux d'intérêt et les faire passer en solution, solution qui pourra être traitée. Cette opération est assez sensible et stratégique pour l’usine. Il est en effet essentiel de mettre suffisamment d’acide pour lixivier tout ce qui peut nous intéresser et ne pas perdre de métaux. Ceci permet également d’avoir une substance qui a une viscosité suffisamment faible pour ne pas encrasser ou boucher certaines unités du procédé. Il ne faut pas non plus mettre trop d’acide, auquel cas on risque de corroder fortement nos installations et il faudra utiliser de grandes quantités d’agents de neutralisation pour modifier l’acidité de notre milieu.
Une fois le bon dosage d’acide trouvé et notre solution produite, il faut la traiter pour séparer les métaux qui nous intéressent des impuretés. Plusieurs techniques sont utilisées dans cette étape dite de purification. La plus commune d’entre elles est l’extraction par solvant, qui utilise comme son nom l'indique un solvant organique pour extraire sélectivement ce qui nous intéresse. Une fois cette opération réalisée, il reste à séparer les différents métaux pour produire des solutions riches et pures contenant les composés qui nous intéressent2.
Un problème du monde minier est la finitude des ressources terrestres. Si la technologie évolue et qu’on est toujours capable d’aller chercher plus profondément des métaux dans des minerais de plus faible teneur, cela se fait au détriment d’un coût exponentiellement croissant3. Se pose dès lors la question de la gestion de ces ressources critiques. S’il est évident que nos modes de consommation doivent évoluer et que sobriété et décroissance sont les mots clés de notre avenir, il reste pertinent de s’interroger sur la manière dont nous subviendrons à nos besoins en matières premières à l’avenir.
Dans ce contexte, plusieurs projets sont déjà évoqués. La mine du futur a ainsi trois visages.
Le premier, le moins réaliste, est l’exploration de l’espace, pour aller chercher sur des astéroïdes ou sur d’autres planètes ou satellites ce dont nous avons besoin. Il va sans dire que le niveau de maturité de ces projets est extrêmement bas. Aucune technologie n’a encore été développée à ce jour pour nous permettre de telles opérations. Et si une telle prouesse existait, le coût énergétique de tels travaux serait exorbitant et donc non soutenable. D’ici l’horizon 2050, ceci n’est donc en aucun cas envisageable.
Le second visage, plus réaliste mais que je ne juge pas souhaitable, est la mine sous-marine. Les fonds marins semblent en effet regorger de ressources minérales et plusieurs projets ont déjà été développés dans différents groupes miniers pour explorer ces nouveaux terrains. Les projets jusqu’alors évoqués prévoyaient de grands chalutiers qui racleraient le fond marin, détruisant toute la flore qui s’y trouve. En plus des émissions carbone liées à l’usage de ces bateaux, l’impact sur la biodiversité de telles pratiques serait énorme. En détruisant de nombreux écosystèmes encore méconnus, cela menacerait l’équilibre global de l’océan4. Rappelons que ce dernier a absorbé 93% de la chaleur émise par l’homme depuis l’ère pré-industrielle et produit entre 50 et 75% de l’oxygène que nous respirons5. Il est littéralement synonyme de vie. Loin d’être mature et viable économiquement, ce genre de mines ne sera pas exploité avant l’horizon 2030. Ce sujet a d’ailleurs marqué le One Ocean Summit qui s’est tenu en février 2022 où la France a notamment réaffirmé sa volonté d’exploiter ses fonds marins.
Le dernier visage, le plus probable, est ce qu’on appelle communément la mine urbaine. Sans en avoir conscience, nos villes contiennent des quantités très importantes de matières premières. Nos téléphones, nos téléviseurs, nos ordinateurs, tous les appareils électroniques et électroménagers, nos moyens de locomotion, tous regorgent de ces ressources. La mine urbaine correspond donc au recyclage de l’ensemble de ces éléments. C’est celle qui est la plus mature technologiquement, la plus souhaitable environnementalement parlant et la plus économique. D’un point de vue stratégique et géopolitique, cela présente un vrai avantage puisqu’elle permet à un pays de retrouver une part de sa souveraineté dans ses approvisionnements. Les techniques utilisées sont connues, ce sont des procédés d’hydrométallurgie semblables à ceux utilisés pour transformer les minerais qui doivent être adaptées aux nouvelles matières premières. Ces opérations sont rendues difficiles par la miniaturisation qui implique l’usage de nombreux métaux en faible quantité dans un petit espace. Si de nombreux défis restent tout de même à relever, c’est cette alternative qui reste la plus plausible et qu’il faut soutenir. C’est la seule qui existe déjà et qui pourra se développer à l’horizon 2050.
Quoi qu'il en soit, en fournissant les matières premières dont nous avons besoin, le secteur minier constitue une industrie stratégique et incontournable de notre futur. Ses enjeux sont multiples: construire des scénarios prospectifs fiables pour permettre de se préparer adéquatement au futur, rendre la mine durable en limitant au maximum ses effets sur les écosystèmes ainsi que développer un schéma d’économie circulaire adéquat. Plus que jamais, le secteur minier constitue un enjeu de premier ordre à l'heure de l'électrification des usages. Tâchons de ne pas reproduire avec les métaux les erreurs que nous avons faites avec les hydrocarbures.
Pierre-Adrien Bréard - Pour Un Réveil Ecologique