Le GIEC prépare des rapports d'évaluation détaillés sur l'état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur le changement climatique, ses impacts et les risques futurs, ainsi que sur les options permettant de réduire le rythme auquel le changement climatique se produit.
La 6ème édition du rapport du GIEC se décline en trois grandes parties:
Introduction : qu'est-ce que le rapport du Groupe 2 du GIEC ?
Les impacts
La vulnérabilité et l’exposition aux risques
L’adaptation
Complément - Meilleurs graphiques
Conclusion
Le groupe de travail 2 du GIEC est chargé de produire un rapport sur les impacts, la vulnérabilité et l'adaptation au changement climatique. Le rapport publié le 28 février 2022 est la synthèse de 34 000 articles scientifiques réalisée par 269 auteurs et autrices. Trois documents constituent le rapport final :
L'évaluation des impacts et des risques est faite à l'interconnexion du climat, des systèmes humains (les sociétés) et de la biodiversité. Ce rapport évalue donc les impacts du changement climatique à l'aune de facteurs non-climatiques, tels que l'extinction de la biodiversité, l'épuisement des ressources, la dégradation des écosystèmes, l'urbanisation accélérée, les changements démographiques et les inégalités.
L'évaluation des risques, à travers la vulnérabilité et l'exposition aux impacts du changement climatique permet de définir des voies de développement et d'adaptation qui préservent la santé et la sécurité des différents systèmes ("Climate Resilient Development"). Il est donc à destination des gouvernements pour leur permettre de mettre en place des politiques qui répondent aux enjeux climatiques, notamment lors des COP (Conférence des Parties).
Nous vous proposons ici une synthèse des points qui nous ont semblé les plus importants. L’ensemble des documents liés à ce rapport du Groupe II est disponible sur le lien suivant : https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/.
Ce n’est certainement pas une bonne nouvelle mais les impacts du changement climatique sont de plus en plus complets grâce aux travaux du GIEC : les auteurs de ce rapport ont ainsi identifié 127 impacts clés, qui peuvent se décliner en 6 volets. Nous en sommes déjà à +1,1°C de réchauffement dû à l’influence humaine (par rapport à la période pré-industrielle). Un niveau de +1,5°C est attendu à court terme. Ce réchauffement impacte nos sociétés sur des plans variés comme illustré sur la figure ci-dessous.
Figure 1 - Impacts observés du changement climatique sur les systèmes humains (SPM.2.b)
Alors que la moitié de la population mondiale est déjà confrontée à des pénuries d'eau, les perturbations du cycle de l'eau entraînées par le dérèglement climatique risquent d'accentuer ce phénomène. Ce dérèglement entraîne aussi une intensification des intempéries liées à l'eau - telles que la précipitation ou la sécheresse.
La hausse des températures, les sécheresses et la variabilité climatique constituent d’immenses défis pour les systèmes de production agricoles. En Amérique du Nord, la productivité agricole a baissé de 12,5% depuis 1961 à cause de la surexploitation des sols et de la raréfaction de l’accès à l’eau pour les cultures. En Europe, les pertes de récolte ont triplé depuis 50 ans.
Les impacts du changement climatique sur la santé sont incontournables : selon l'OMS, les problèmes de santé liés à des causes environnementales devraient être une priorité de santé publique, beaucoup plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Pour la première fois, le GIEC aborde également les impacts du changement climatique sur la santé mentale, qui sont conséquents, en particulier chez les plus jeunes et les personnes âgées. Le rapport évalue que 50% des 16-25 ans dans le monde souffrent d'éco-anxiété. De même, les traumatismes engendrés par les évènements climatiques et météorologiques extrêmes constituent une partie importante des conséquences sur la santé mentale et physique des sociétés humaines.
Le changement climatique tue déjà, et ce depuis de nombreuses années, à travers les inondations, les incendies, les vagues de chaleur et autres catastrophes naturelles qui s'intensifient et se multiplient à cause du dérèglement des températures. Les décès causés par les vagues de chaleur pourraient passer de 1500 à 5000 en France d’ici 2030. La moitié à trois-quarts de la population mondiale pourrait être exposée à des combinaisons mortelles de chaleur et d’humidité d’ici 2100.
Enfin, le changement climatique et les mutations profondes des écosystèmes naturels engendrées par les activités humaines contribuent à l'augmentation du nombre de maladies à transmission vectorielles : la dengue pourrait par exemple toucher des milliards d’habitants d’ici la fin du siècle.
La vulnérabilité des sociétés humaines au changement climatique repose en grande partie sur la capacité des infrastructures à "encaisser" les impacts inévitables. Le GIEC rappelle l’importance de tenir compte des impacts du changement climatique dans la construction des infrastructures urbaines, périurbaines et rurales (télécommunication, transport et distribution d’énergie, acheminement…).
Le changement climatique va radicalement transformer l'économie, voire faire disparaître certains secteurs les plus exposés (tourisme, agriculture, pêche, minerai…). Cela pose d'importantes questions d'anticipation et d'adaptation : le GIEC évalue que 30% des travailleurs en Californie sont employés dans les secteurs “exposés”, ce qui pourrait contribuer à une vague de chômage massive si les changements sectoriels ne sont pas anticipés.
Certaines études ont également montré un potentiel lien entre les impacts du changement climatique et l’augmentation de la violence et des crimes dans les villes; ce qui peut engendrer d'importantes conséquences pour le développement et l'activité économique dans les villes et les pays.
Les impacts sur les écosystèmes naturels viennent s’ajouter aux activités humaines destructrices des écosystèmes (déforestation, artificialisation des sols, usage de pesticides…). Les extinctions pourraient être multipliées par 10 si le réchauffement dépasse +1.5°C. Afin de sauvegarder la biodiversité, il faut parvenir à préserver efficacement 30 à 50% de la surface du globe. Certains écosystèmes ont malheureusement déjà atteint un point de non retour, comme les récifs coralliens.
Figure 2 - Impacts observés du changement climatique sur les écosystèmes (SPM.2.a)
Nous ne sommes pas tous égaux face aux risques mis en lumière précédemment. Notre vulnérabilité dépend de variables géographiques, sociales, culturelles, politiques et économiques.
Les vulnérabilités des écosystèmes et des populations au dérèglement climatique diffèrent considérablement d’une région à une autre et au sein d’une même région. Comme on le voit sur le schéma ci-dessous, le continent africain est en première ligne, même s’il est loin d’être le premier émetteur de gaz à effet de serre. En Afrique, le GIEC a identifié 9 défis importants, contre 6 défis légers et 3 modérés en Europe.
Figure 3 - Vulnérabilités des continents (TS.4)
La vulnérabilité accrue de certaines populations, découle des enjeux persistants de pauvreté, de fragilité des institutions, de corruption des pouvoirs publics, de conflits… qui nous rendent inégaux également en termes de vulnérabilités aux chocs engendrés par le changement climatique. Le rapport permet d’identifier environ 3,3 milliards de personnes vivant dans des pays à “haute vulnérabilité” et environ 1,8 milliards à “faible vulnérabilité”.
Le rapport souligne une vulnérabilité plus importante des peuples autochtones aux impacts du changement climatique du fait de leur plus grande dépendance à des écosystèmes sains et “fonctionnels”.
Les risques dépendent des choix socio-économiques, des décisions politiques, de la vitesse du réchauffement. Rappelons-nous que nos sociétés, le climat, la biodiversité et les écosystèmes sont fortement interdépendants et les risques qui menacent un de ces piliers peuvent provoquer des risques en cascade chez les autres.
Le changement climatique alimente fortement la migration et les déplacements involontaires, puisqu’il détériore les conditions de vie de manière inégale suivant la sensibilité des régions planétaires. On le voit déjà sur les côtes françaises : l’érosion et les inondations poussent les habitants à changer de lieu d’habitation au sein de nos frontières. Depuis 2008, plus de 20 millions de personnes ont migré à l’intérieur de leur pays à cause d’aléas climatiques. Nous ferons face à 216 millions de réfugiés climatiques en 2050, et même si les conflits sont le premier facteur d’influence sur la migration, le climat est un facteur aggravant qu’il ne faut pas négliger. La migration permet de réduire les risques lorsqu’elle est volontaire et ordonnée, mais elle devient une source de conflit géopolitique, une crise humaine lorsqu’elle est subie.
Enfin, le GIEC rapporte des stratégies d’adaptation qui se déclinent sous plusieurs angles/sur plusieurs secteurs. Le GIEC constate bien que des efforts sont réalisés dans nos sociétés, mais l'écart entre le niveau d’adaptation requis pour minimiser les impacts et les niveaux actuels mis en place par les gouvernements dans le monde est encore trop grand.
Il préconise d’ailleurs la diversification des stratégies d’adaptation pour assurer une meilleure “résilience”.
Figure 4 - Développement résilient (CRD) : processus de mise en oeuvre de mesures d’atténuation et d’adaptation des gaz à effet de serres pour soutenir le développement durable (Figure SPM.5)
Le dernier chapitre sur les stratégies d’adaptation pour un Climate Resilient Development souligne l’intersection des enjeux d’égalité de genre et de racisme avec la réponse au changement climatique, les stratégies d’adaptation et de transformation. Il est essentiel d’adopter une perspective intersectionnelle pour comprendre et examiner les “structures, processus et relations de pouvoir” entre différentes catégories sociales (de genre, ethniques, économiques etc). Le concept de justice climatique, rappelant les inégalités face aux impacts du changement climatique, vise ainsi à remettre au centre des stratégies d’adaptation la lutte contre les inégalités structurelles. Cela implique entre autres la prise en compte de l’héritage colonial et les inégalités structurelles qui en découlent.
Le rapport insiste sur le rôle central des techniques et des connaissances des peuples autochtones qui peuvent contribuer à surpasser les impacts “en cascade” du changement climatique, de la sécurité alimentaire, de l’effondrement de la biodiversité, de la désertification et de l’artificialisation des sols. Le respect, la prise en compte et l’inclusion des narratifs autochtones dans les stratégies d’adaptation peuvent aider à mieux comprendre les risques ainsi que les solutions envisageables à partir des écosystèmes locaux. Ces solutions incluent la maîtrise des signaux phénologiques de certains peuples africains au Niger et en Ethiopie, utilisés pour prédire les cycles naturels, vulnérables au changement climatique. De même, les “nations indigènes” des Etats-Unis, du Canada et du Brésil possèdent un savoir faire en termes de gestion forestière et des feux. La diminution de l’érosion des écosystèmes à travers une connaissance poussée des espèces endémiques et l’approche globale de la gouvernance environnementale dans les îles Pacifiques sont également des savoirs indispensables pour des politiques d’adaptation à la hauteur des enjeux.
Plusieurs conditions doivent être remplies pour assurer la construction d’une société résiliante au changement climatique :
Figure 5 - Du risque climatique au développement résilient (SPM.1)
Ces graphiques présentent une manière synthétique de présenter les évaluations scientifiques sur les niveaux de préoccupation sur différents sujets (menace des écosystèmes, évènements météorologiques extrêmes, etc). Ces évaluations peuvent également se décliner en fonction des scénarios d’adaptation (exemple pour les impacts du changement climatiques sur la santé) :
Figure 6 - Risques globaux liés à l’augmentation des températures en fonction des préoccupations (Reasons for Concern - RFC) (SPM.3.a-b)
Attention, ces deux diagrammes sont une évaluation des risques au niveau mondial, ce qui implique que si certains niveaux de préoccupation élevés n'apparaissent pas sur ces graphiques, certaines régions sont tout de même soumises à des risques importants.
Figure 7 - Risques sanitaires liés à l’augmentation des températures (SPM.3.e)
Ce graphique montre les objectifs à atteindre pour les société humaines (équité, bien-être et santé des écosystèmes) qui contribuent à renforcer les capacités d’adaptation et de résilience aux impacts du changement climatique. Ces objectifs sont atteignables à travers la gestion des solutions, des transformations et des risques.
Figure 8 - Interconnection des points-clés du Rapport d’Évaluation du WGII (TS.2.a)
Ce tableau montre les altérations des écosystèmes terrestres et marins (lacs & océans) dues au changement climatique. Ces impacts se déclinent sur la structure des écosystèmes, la biodiversité des espèces, la phénologie (évènements périodiques) et la provision des services écosystémiques. Chaque point donne une indication sur l’ampleur des changements observés (taille du cercle) ainsi que sur le niveau de confiance (couleur + ou - vive). Le tableau indique les résultats des études d’impact pour toutes les régions du monde.
Figure 9 - Synthèse des impacts attribués au changement climatique, observés sur les écosystèmes et les écosystèmes humains dans le monde (TS.3.a)
Enfin, cette carte donne une indication de la répartition inégale de la vulnérabilité face au réchauffement climatique. La carte indique également les peuples autochtones les plus vulnérables.
Figure 10 - Synthèse des vulnérabilités selon les régions du monde (TS.7.a)
Si l’on doit retenir un chiffre de ce rapport, c’est sans doute celui des 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivant déjà dans des conditions d’extrême vulnérabilité au changement climatique. Certains d’entre nous font déjà certainement partie de ce groupe de personnes vulnérables. Il ne s’agit pas simplement d’un rapport alarmant, mais c’est la situation elle-même qui est alarmante. Il est encore possible, mais de façon urgente, de limiter les impacts du changement climatique sur nos conditions de vie et sur les écosystèmes. Cela nécessite une coopération sans précédent, à toutes les échelles et multisectorielle qui pourra ouvrir la porte à un avenir soutenable.
Pour un Réveil Écologique
Un article écrit par Justine Duval & Sidonie Commarmond, avec l'aide de Loïc Bonifacio & Rémi Vanel
Sources : GIEC, Blast (Camille Étienne & Paloma Moritz), Chez Anatole, Bon Pote, The Shift Project - Carbone 4, Le Monde, Le Média Vert, OMNEGY & précédentes communications Pour un Réveil Écologique